Plus de 20 millions de personnes risquent de mourir de faim d’ici l’été dans quatre pays, prévient le Programme alimentaire mondial. Peter Smerdon, directeur-adjoint de l’organisation, analyse la situation pour France 24.
Plus de 20 millions de personnes risquent de mourir de faim au cours des six prochains mois, soit d’ici l’été, dans quatre famines distinctes. Au Yémen et au Soudan du Sud, les conflits et l’effondrement de l’économie empêchent les habitants de se procurer les denrées disponibles. Dans le nord-est du Nigeria, où des millions de personnes ont fui les militants extrémistes de Boko Haram, les commerces et marchés ne suffisent plus à nourrir la population, qui dépend fortement d’un système d’aide d’urgence débordé. Et en Afrique de l’Est, notamment en Somalie, une sécheresse frappe sévèrement l’agriculture traditionnelle.
Peter Smerdon, directeur adjoint du PAM, décrit pour France 24 la situation et les solutions pour lutter contre la famine.
France 24 : Quelles sont les actions à mener pour éviter à ces quatre régions de tomber dans un état de famine ?
Peter Smerdon : Il faut regarder sérieusement la manière dont les politiques échouent à rétablir la paix dans ces pays. Tant que ça n’arrivera pas, le manque extrême de nourriture prévaudra. Quatre pays risquent la famine en 2017, c’est sans précédent. Jusque-là, nous n’en avions jamais vu plus de deux en même temps. Quand on atteint l’état de famine, il est déjà trop tard pour de nombreuses personnes. Et quand le pays se relève, il faut dépenser une somme importante pour essayer d’aider les populations à s’en sortir, ce qui prend des années.
On ne peut pas laisser le monde vivre de tels extrêmes dans la souffrance. Il faut que la communauté internationale fasse pression sur les gouvernements et les groupes rebelles pour empêcher ces régions de tomber dans des conflits prolongés chroniques. Ainsi, même en cas de sècheresse ou de changement climatique, nous pourrons être en mesure d’intervenir avant la famine.
Commence procède le PAM pour venir en aide aux populations qui meurent de faim ?
Au stade actuel, il faut fournir de la nourriture et de l’aide d’urgence à ceux qui en ont besoin. Nous essayons de faire cela à travers les parties impliquées dans les conflits, en les menant à reconnaître qu’ils ont besoin d’aide dans les zones qu’ils contrôlent. S’ils ne coopèrent pas, un nombre important de personnes y meurent. C’est souvent difficile à faire car dans un conflit, il y a souvent deux camps et traverser les lignes de front devient difficile.
Mais nous pouvons larguer de la nourriture depuis les airs, et nous avons des équipes de réaction rapide qui se rendent en hélicoptère dans les zones isolées pour y apporter des denrées. Il y a donc des moyens pour lutter contre la famine, mais c’est difficile, cher, et il y a beaucoup de travail à fournir pour atteindre une telle quantité de personnes à risques.
Y’a-t-il eu des progrès dans la manière dont les agences humanitaires gèrent ce type de situation ?
Les procédures d’alerte préventives se sont largement améliorées ces vingt dernières années. Nous recevons de nombreuses alertes lorsqu’une famine est imminente. Par téléphone ou SMS, nous gardons contact avec des personnes hors de notre portée au Yémen ou au Soudan du Sud. On peut ainsi avoir une vue d’ensemble et voir avec les familles combien de repas ils font au quotidien. Sont-ils endettés ? Leur bétail est-il mort ? Ce type d’éléments qui permettent aux familles de survivre avant de tomber dans la famine. C’est-à-dire quand il ne leur reste absolument rien. Le problème, c’est que beaucoup de gens ne font rien quand on les prévient, et ne nous prennent au sérieux que trop tard, au moment où la famine est là. Et à ce moment, il y a déjà de nombreux morts.
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