Le président sud-africain Jacob Zuma a démis ce jeudi son ministre des Finances et détracteur Pravin Gordhan, malgré le refus exprimé par ses alliés et les risques de rupture au sein du Congrès national africain (ANC) au pouvoir.
Au terme de plusieurs jours de rumeurs et de tensions, Jacob Zuma a annoncé jeudi 30 mars en toute fin de soirée un remaniement gouvernemental de grande ampleur, marqué par le limogeage de son ministre des Finances, Pravin Gordhan et la nomination de dix ministres et de dix vice-ministres.
Sans surprise, le chef de l’État a attribué le portefeuille du Trésor à l’un de ses fidèles, le ministre de l’Intérieur Malusi Gigaba.
Depuis plusieurs mois déjà, la bataille faisait rage entre Jacob Zuma, englué dans une série de scandales de corruption, et Pravin Gordhan, respecté des investisseurs, autour de la bonne gestion des deniers publics.
Désaccords sur le remaniement
Ce conflit a pris un tour critique lundi 27 mars, lorsque le chef de l’État a brusquement interrompu la tournée à l’étranger de son ministre des Finances, alors au Royaume-Uni, en lui ordonnant de rentrer toutes affaires cessantes en Afrique du Sud.
Le départ pressenti de Pravin Gordhan a nourri de vives tensions au sein de l’ANC. Selon la presse sud-africaine, une partie du haut état-major de l’ANC, dont le vice-président Cyril Ramaphosa et le secrétaire général Gwede Mantashe, s’y sont fermement opposés.
L’un des principaux partenaires de l’ANC dans la coalition au pouvoir, le Parti communiste sud-africain (SACP), a lui aussi tenté de faire obstacle au départ du ministre. « Nous avons fait part de notre objection à un tel remaniement », a assuré jeudi 30 mars devant la presse un chef du SACP, Solly Mapaila.
Divisions au sein de l’ANC
La bataille engagée autour du sort de Pravin Gordhan illustre les divisions qui traversent l’ANC. Le parti est écartelé entre les partisans de Jacob Zuma, qui a réaffirmé jeudi sa volonté de procéder à une « transformation radicale » de l’économie en faveur de la majorité noire, et une aile plus modérée incarnée par Pravin Gordhan et Cyril Ramaphosa, l’actuel vice-président de l’ANC.
Ces divergences révèlent aussi les fractures qui divisent le parti autour de la succession de Jacob Zuma, qui doit quitter la présidence de l’ANC en décembre prochain dans la perspective des élections générales de 2019.
Le chef de l’État soutient son ex-épouse Nkosazana Dlamini-Zuma face à l’autre favori, Cyril Ramaphosa. « Les adversaires de Zuma vont probablement utiliser le départ de Gordhan pour lancer une attaque contre le Président et essayer de reprendre le contrôle de l’ANC », a pronostiqué dans une note le centre d’analyses Eurasia Group.
« Il sont peu de chance de réussir », a toutefois conclu Eurasia : « à long terme, l’ANC va avoir des difficultés à se remettre de cette période d’intense instabilité ».
L’affrontement entre les deux factions s’est encore manifestée mercredi 29 mars lors des obsèques d’une figure historique de l’ANC hostile au chef de l’Etat, Ahmed Kathrada. Jacob Zuma n’y a pas assisté, à la demande de la famille du défunt, et Pravin Gordhan y a été ovationné.
Défiance envers Jacob Zuma
Jeudi, le principal parti d’opposition, l’Alliance démocratique (DA), a annoncé le dépôt au Parlement d’une nouvelle motion de défiance contre Jacob Zuma, accusé de menacer l’économie du pays en renvoyant Pravin Gordhan.
« Le président a encore montré qu’il ne se préoccupait pas de l’avenir de notre cher pays », a déploré son chef Mmusi Maimane après l’annonce du remaniement.
Les Combattants de la liberté économique (EFF, gauche radicale), ont de leur côté déposé le même jour, à la Cour constitutionnelle, une requête en destitution contre le chef de l’État pour corruption. « Les nuages s’accumulent au-dessus de sa tête, ses jours sont comptés », a lancé le chef des EFF Julius Malema, au sujet de Jacob Zuma.
Chute du rand
Les marchés et les investisseurs redoutent le départ de Pravin Gordhan, qui s’est jusque-là efforcé de tenir les cordons d’une économie sud-africaine au ralenti et endettée. Depuis lundi, le rand sud-africain a reculé par rapport au dollar américain et à l’euro.
Fin 2016, les trois grandes agences de notation financière ont accordé un sursis à l’Afrique du Sud en ne dégradant pas sa note. Mais elles ont menacé de le faire en cas de persistance de l’agitation politique.
JA