Le Conseil de sécurité des Nations unies était réuni en urgence ce mercredi 5 avril à New-York suite à l’attaque chimique à Idlib en Syrie. Les Français, les Britanniques et les Américains espéraient voter une résolution condamnant cette attaque mais une nouvelle fois les Russes s’y sont opposés. On ignore encore si le vote sera repoussé à plus tard dans la journée ou annulé.
Il s’agissait clairement ce mercredi matin d’une réunion au vitriol lors de laquelle se sont exprimées un peu plus les divergences entre le camp occidental et Moscou. Une réunion lors de laquelle les Américains ont également menacé d’agir de manière unilatérale, rapporte notre correspondante à New York, Marie Bourreau.
Nikki Haley, l’ambassadrice américaine, qui a brandi des photos d’enfants syriens victime de l’attaque devant l’assemblée, a indiqué que lorsque les Nations unies manquaient à leur devoir d’agir collectivement, il y avait « des moments dans la vie des Etats où nous sommes obligés d’agir nous-mêmes ». Reste à savoir si elle est en service commandé de Washington, ce que sous-tend cette phrase et s’il s’agit d’une nouvelle déclaration d’intention de l’administration Trump.
Pour l’ambassadeur français, François Delattre, une action du Conseil de sécurité serait de loin la meilleure option. Mais les échanges, très peu diplomatiques, à l’image de cette saillie du représentant britannique Matthew Rycroft, laisse présager des négociations difficiles.
« Assad humilie la Russie sous les yeux du monde en intensifiant ses attaques, en réduisant le cessez-le-feu d’Astana en cendres. Assad humilie la Russie en montrant à quel point les promesses syriennes d’éliminer toutes ses armes chimiques étaient vaines », a-t-il lancé.
Les Russes de leur côté ont indiqué qu’il n’y avait pas besoin d’une résolution. Ils ont qualifié le texte proposé de « provocation » écrit à la hâte et avec négligence. Ce projet de résolution condamnait les attaques chimiques et demandait au mécanisme conjoint de l’ONU de mener une enquête rapide pour établir les responsabilités sans faire références à de quelconques sanctions.
Faire pression sur la Russie
C’était donc un texte très modéré négocié par la France, le Royaume-Uni, et les Etats-Unis, plus acceptable pour la partie Russe, mais cela n’a pas suffi et c’est la preuve, s’il le fallait encore, que Moscou n’est pas prêt à lâcher son allié syrien comme le disent en coulisses les diplomates.
Le but de cette réunion était évidemment de mettre la pression sur la Russie. L’ambassadrice américaine Nikki Haley a imploré Moscou de faire usage de son influence. Reste à savoir comment Moscou réagira à cette pression publique de plus en plus forte.
Trump change d’avis sur Assad
Donald Trump, quant à lui, considère l’attaque chimique contre des civils syriens comme un affront fait à l’humanité. Le président des Etats-Unis se dit choqué au point d’avoir changé d’avis sur Bachar el-Assad. « Quand vous tuez des enfants innocents, cela franchit de nombreuses lignes au-delà de la ligne rouge… Et mon attitude à l’égard de la Syrie et d’Assad a complètement changé. J’ai hérité d’un bazar, et nous allons remettre de l’ordre. »
C’est un virage à 180 degrés, la menace est implicite mais elle est réelle dans les propos du président des Etats-Unis. En semblant vouloir s’approprier ce dossier syrien, le président américain reconnait que le problème est désormais de sa responsabilité, au risque d’être, comme Barack Obama, pris à son propre piège.
Car Donald Trump trace à son tour une ligne rouge, tout en reprochant à son prédécesseur de ne pas avoir tenu ses engagements. Mais le président des Etats-Unis ne dévoile aucune stratégie. Au point que certains observateurs estiment qu’il navigue à vue, sans réelle idée de ce qu’il faut faire, ou de ce qu’il peut faire.
L’opposition syrienne « stupéfaite par l’inaction internationale »
Du côté de l’opposition syrienne, c’est l’incompréhension et la colère. La militante Zaina Aoussadji rapporte qu’à Khan Cheickhoun, là où a eu lieu l’attaque, la population n’arrive pas à comprendre comment un tel drame peut rester impuni. « On peut dire que le peuple syrien est habitué aux mensonges et aux manœuvres du régime et de la Russie, mais d’un autre côté nous sommes frappés à chaque fois par le degré de malhonnêteté… »
Elle fustige surtout le manque de réaction de la communauté internationale. « Nous sommes stupéfaits par l’inaction internationale. Pour nous la seule explication c’est que le monde entier croit aux mensonges du régime et de la Russie, autrement la communauté internationale ne resterait pas aussi les bras croisés. Le régime dispose de la force nécessaire et il a tout le temps dont il a besoin pour nous exterminer. »
« La Russie dit que l’opposition avait à Khan Cheikhoun des entrepôts d’armement où étaient entreposées des armes chimiques et c’est leur destruction par l’aviation syrienne qui a causé ce désastre… La Russie veut faire croire que les combattants de l’opposition sont des criminels. C’est faux. C’est une histoire fabriquée de toutes pièces. Ensuite la Russie utilise son droit de véto et bloque tout projet de sanction contre le régime et le régime est innocenté comme si de rien n’était. »
Rfi