L’Organisation internationale pour la migration (OIM) a dénoncé la semaine dernière l’existence de « marchés aux esclaves » en Libye. Un jeune Sénégalais dit avoir été le témoin, dans le Sud libyen, de pratiques qui rappellent l’esclavage. Ce Casamançais a quitté son pays en novembre dans l’espoir de refaire sa vie en Europe. Non seulement il a été « dépouillé » par les passeurs, mais il a aussi vu des Africains de l’Ouest travailler sans salaire pendant des mois dans des plantations libyennes.
Appelons-le Mamadou. Il a 34 ans, a longtemps travaillé dans l’hôtellerie et parle plusieurs langues. En novembre dernier, il décide de tenter sa chance, de traverser le Sahara et la Méditerranée pour gagner l’Europe.
Après Niamey et Agadez, il arrive à Sabha, dans le sud de la Libye. Contre toute attente, il est fait prisonnier par ses propres passeurs et enfermé dans un garage avec des centaines d’autres Africains de l’Ouest, y compris des enfants.
Les passeurs demandent à leurs otages d’appeler leurs familles pour exiger le paiement d’une rançon. « On te frappe, on te maltraite, pendant que tu appelles au téléphone, tu es aussi frappé pour que tes parents entendent tes cris. Ils nous frappent pour qu’on envoie de l’argent. »
Mamadou est, malgré tout, mieux traité que bien d’autres. Comme il parle plusieurs langues, il sert d’interprète aux passeurs qui finissent par le libérer. Il constate alors que des Guinéens, des Ghanéens, des Nigérians, sont forcés à travailler sans salaire dans des plantations pendant des mois.
« Les gens vous font travailler sans vous payer. On est maltraité comme des esclaves, on vous vend, on vous frappe. Il y a champs d’oranges et de tomates là-bas, on vous y fait travailler sans être payé, c’est de l’esclavage », ajoute Mamadou.
Révolté par ce qu’il voit en Libye, découragé, Mamadou décide de faire demi-tour. Avec l’aide de l’OIM, il est retourné au Sénégal, son point de départ, lundi dernier 10 avril.
Près de 4 500 migrants ont été secourus au large de la Libye depuis le 15 avril. Ce dimanche, le navire Prudence de MSF a débarqué au port de Reggio de Calabre avec 649 migrants, dont des enfants isolés. D’autres personnes, dont des Syriens, sont arrivées par leurs propres moyens toujours en Calabre. L’ONG Moas (Migrant Offshore Aid Station) a également porté secours à plus de 1 500 migrants. La Sicile et la Calabre attendent ce lundi les autres rescapés, encore en route vers la terre ferme.
Les migrants secourus par Médecins sans frontières, dont beaucoup sont originaires de l’Afrique subsaharienne, présentent presque tous des traces de violences subies en Libye, rapporte notre correspondante à Rome, Anne Le Nir.
Un porte-parole de l’association humanitaire rappelle que les médecins « sont habitués à constater des signes de violences et tortures ». Mais que pour la première fois, ils ont observé « les signes des guerres », « à travers des blessures par arme à feu ».
De son côté, l’ONG Moas, qui a secouru plus de 1 500 femmes et hommes en 24 heures, a fait savoir que le naufrage d’un bateau pneumatique dégonflé a provoqué la mort de 20 personnes au large de la Libye. Sept corps, dont celui d’un enfant, ont été récupérés.
Et en Calabre, une embarcation est arrivée seule sur une plage, avec des dizaines de Syriens à bord. La météo clémente favorisant les traversées, les autorités italiennes vont devoir trouver des solutions d’urgence, car les centres de premier accueil sont désormais saturés.
Jeune Afrique