Durant une semaine, la dixième édition du festival a réuni dans la capitale ivoirienne une pléiade de stars internationales, de Salif Keïta à Tiken Jah Fakoly en passant par Black M, dans une atmosphère survoltée. Un nouveau cycle s’ouvre à présent pour l’événement créé par A’Salfo, le leader de Magic System.
Que retiendront-ils du Femua, à présent que la scène est démontée et que le quartier populaire d’Anoumabo reprend son souffle ? Cette jeune fille se souviendra peut-être du moment où elle a pu frôler son idole, le chanteur Singuila, l’un des rares à avoir sauté de la scène à la rencontre du public. Ce quadragénaire attablé à l’un des très nombreux maquis présents dans la zone, bouteille de Flag à la main, se rappellera l’instant où le grand Salif Keïta s’est lancé dans une reprise inspirée de son titre Mandjou. Et cette mère de famille, de la pose des premières pierres de deux nouvelles écoles « Magic System » construites grâce au festival.
Mouvements de foule
Il fallait une dixième édition mémorable pour faire oublier la mort brutale de Papa Wemba sur scène l’année dernière. Et les organisateurs ont parfaitement relevé le défi. Certaines prestations ont certes pu décevoir. Singuila, justement, semblait peu investi dans son concert, échangeant parfois des blagues avec son comparse de show et manager pendant que son DJ faisait le service minimum en fond de scène… ce qui n’a pas empêché une bonne partie du public de chanter ses titres à pleins poumons.
Le samedi 29 avril, Black M, seul en scène alors qu’il est généralement accompagné d’une cohorte de danseurs et de musiciens, a également réalisé une prestation un peu fade. Mais qui a enflammé les spectateurs. À tel point que de dangereux mouvements de foule ont fait craindre le pire. Une dizaine de jeunes femmes, évanouies, ont été prises en charge par le Samu. Les forces de sécurité ont fait parler les matraques et les gaz lacrymogènes tandis que des vagues de spectateurs s’écrasaient sur les barrières protégeant les VIP et la foule, du sable et des chaussures volant dans les airs. Après une interruption de plus d’une heure décidée par A’Salfo, le spectacle a néanmoins pu reprendre dans un calme relatif. Des événements regrettables mais peu surprenants étant donné le contexte : des dizaines de milliers de spectateurs souvent très jeunes trépignant plusieurs heures pour voir les stars.
Travail acharné, shows de qualité
Ce qui a dominé, néanmoins, c’est l’intensité et la qualité des spectacles produits. Salif Keïta s’est montré beaucoup plus convaincant que durant ses dernières dates en Europe. Quant aux artistes ivoiriens Nash, Revolution, DJ Leo, Kiff No Beat, Tiken Jah Fakoly, ils ont réalisé des prestations parfaitement calibrées. Au prix d’un travail acharné. Nash nous révélait par exemple qu’elle avait fait 17 répétitions avec ses danseurs pour ses seules dates du Femua ! Gros moyens scéniques pour le son et la lumière, écrans géants retransmettant en direct le show à des points stratégiques du quartier, c’est tout Anoumabo qui vibrait, dansait, chantait, durant le festival, dans la tiédeur de la nuit et le parfum entêtant du poulet grillé.
En programmant deux soirées à l’Institut Français dans le quartier du Plateau, et en lançant une série de concerts à Adiaké (à 100 kilomètres d’Abidjan), le Femua étend aussi son empire. On remarquera d’ailleurs que pour la première fois une dizaine de journalistes internationaux (belge, suisse, français, espagnol, allemand, américain…) ont été invités sur place. Signe peut-être qu’A’Salfo souhaite toucher une audience plus large ou convaincre de nouveaux sponsors.
Levier social
Le leader de Magic System réfléchit déjà à la suite. Il avait annoncé que les artistes participant ne pourraient pas revenir sur la scène avant la 11e édition, il a tenu parole. Maintenant les stars qui ont marqué le festival (Alpha Blondy, Zaho, La Fouine…) peuvent être rappelées. Et nul doute que le Femua ne perdra pas sa fibre sociale. Derrière la grande scène, à Anoumabo, une piste goudronnée a fait son apparition… on espère qu’elle se prolongera l’année prochaine sur plusieurs kilomètres dans le dédale des rues de ce quartier déshérité.
rfi