C’est le grand chantier de l’Union africaine. Depuis un an, les 55 chefs d’Etat de l’organisation panafricaine veulent s’affranchir de la tutelle financière des bailleurs de fonds chinois et occidentaux pour conquérir une nouvelle crédibilité. L’an dernier, ils ont trouvé une astuce pour s’autofinancer. Mais aujourd’hui, à l’ouverture du 29e sommet de l’UA à Addis-Abeba, c’est l’heure de vérité sur la question du financement.
Avec notre envoyé spécial à Addis-Abeba, Christophe Boisbouvier
Le président ivoirien Alassane Ouattara a une jolie formule pour expliquer la démarche de ses homologues africains et de lui-même : « Nous ne pouvons pas dire aux bailleurs de fonds non africains, nous sommes autonomes et leur dire dans le même temps, donnez-nous votre argent. »
A l’initiative du Guinéen Alpha Condé, qui préside cette année l’Union africaine, et du Rwandais Paul Kagame, qui pilote le Comité pour la réforme de l’UA, les chefs d’Etat africains veulent donc sortir de l’assistanat. Ils ne veulent plus vivre ce que le ministre togolais des Affaires étrangères, Robert Dussey, ressent comme une humiliation : « Le problème actuel, c’est que nous avions un financement qui, si vous me le permettez, fait honte à nous qui sommes Africains. Plus de 50 % de nos financements viennent des bailleurs de fonds non africains. Ce n’est pas normal quand on veut prendre en main son propre destin, de se faire financer par les autres. Ce qui fait que dans les décisions, la plupart du temps les décisions sont influencées par les donneurs, par ceux qui nous financent. »
Alors pour sortir de cette dépendance financière, les chefs d’Etat africains ont trouvé une astuce. Il y a un an, en juillet 2016 à Kigali, ils ont créé une nouvelle taxe de 0,2 % sur tous les produits non africains qui sont importés sur le continent africain. Une mesure qui devrait permettre de financer plus de 80 % des activités de l’Union africaine.
Réticences
Aujourd’hui au 29e sommet, l’heure est aux travaux pratiques et à la mise en œuvre de cette taxe. Mais quelques pays semblent hésiter. C’est ce que confie à Matthew Kay, du service anglais de RFI, le ministre des Affaires étrangères du Nigeria, Geoffrey Onyeama : « Il semble que la mise en œuvre de cette taxe a posé des problèmes à plusieurs Etats. Nous avons peut-être besoin de savoir comment va être appliquée cette mesure, afin de trouver un consensus à 100 % parmi tous les Etats membres de l’Union africaine. »
Alors quels sont les pays hésitants ? On parle du Nigeria justement, mais aussi de l’Afrique du Sud, de l’Egypte et de la Tunisie, autant de pays qui ont beaucoup de partenaires commerciaux hors du continent et qui ne veulent pas les contrarier.
Alors cette taxe sur les produits venus de l’extérieur du continent ne risque-t-elle pas en effet de fâcher les partenaires non africains ? : « Je ne crois pas parce que c’est une décision qui n’est pas totalement prise, répond le ministre togolais des Affaires étrangères, Robert Dussey. Il se pourrait qu’il y ait des modifications qui soient faites. D’ailleurs, c’est pour cette raison que les chefs d’Etat et de gouvernement ont tout intérêt à écouter le président Kagame. Mais ne soyons pas figés sur ce plan actuellement. Ce qui est important, c’est de pousser les Etats à non seulement payer leur contribution, mais à contribuer selon les barèmes qui seront décidés. Donc pour le moment, tout est modifiable. C’est pour cette raison que les chefs d’Etat vont discuter. »
Modifications ou pas, les partisans de cette taxe sur les importations ont un bon argument : en fait, elle existe déjà dans les 15 pays de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) au bénéfice de l’organisation ouest-africaine. Et depuis ce samedi 1er juillet, une nouvelle ordonnance est passée à Abidjan : désormais la Côte d’Ivoire prélève la nouvelle taxe de 0,2 % au bénéfice de l’Union africaine. C’est ce qu’on appelle une politique volontariste.
Rfi