Les neuf victimes de l’éboulement d’une décharge d’ordures mardi 22 août à Conakry ont été inhumées le lendemain en début d’après-midi. Les survivants, inquiets, appellent l’État à l’aide.
Ce mercredi 23 août, la pluie, qui s’abat sur Conakry depuis lundi nuit, ne veut toujours pas s’estomper. Il est 14 heures. Les prières funèbres et de zouhr (la deuxième prière de la journée) viennent de prendre fin à la mosquée de Dar-Es-Salam, quartier populaire endeuillé, situé dans la banlieue de la capitale guinéenne. Le cortège des quatre ambulances transportant les dépouilles des neuf victimes de l’éboulement d’une décharge, mardi, s’ébranle. Il est suivi d’une foule impressionnante. Deux longues files humaines s’étendent sur près d’un kilomètre, jusqu’au cimetière, au pied de la décharge. D’autres, debout le long de la procession, mêlent leurs sanglots aux sirènes.
Les neuf victimes sont inhumées côte à côte. Comme un symbole – elles étaient voisines, réparties entre deux concessions situées à un jet de pierre du cimetière. Alpha Baïllo Diallo, Alpha Ousmane Diallo, tous deux âgés de 17 ans et Habibata Diallo, 3 ans, étaient originaires de la préfecture de Gaoual, au nord de la Guinée. Mamadou Aliou Barry, 48 ans, et sa femme Mariama Siré Bah, 22 ans (décédée alors qu’elle était enceinte), leur fille de deux ans et Alpha Ousmane Bah, 5 ans, v.
enaient de Dalaba, dans le centre du pays. Enfin, Mariama Siré Diallo et Djénabou Diallo, 7 et 8 ans, étaient de Mali Yembéring, également dans le nord. À ce bilan macabre, il faut ajouter huit blessés hospitalisés, qui seraient hors de danger.
Quatre victimes étaient de la même famille
Un peu plus loin, alors que Dar-Es-Salam enterre ses morts, les recherches se poursuivent. Depuis mardi, les hommes du génie militaire dirigés par le commandant Salif Camara fouillent les décombres à l’aide de deux bulldozers. « Nous continuons les recherches mais d’après les renseignements obtenus auprès des familles endeuillées, la probabilité qu’on retrouve de nouvelles victimes est nulle », explique Salif Camara, assis sur une chaise au milieu d’un marécage, armé d’un parapluie et d’un cache-nez. Finalement, son travail consiste plus à éloigner les déchets des maisons encore épargnées. À 17h, les machines et les hommes en uniforme quittent les lieux, laissant derrière eux la montagne d’ordures.
Retour à la mosquée, où le président Alpha Condé a envoyé deux émissaires. Après la prière du soir (Al asr), le ministre d’État, conseiller à la présidence, Bah Ousmane, et l’opérateur économique Mamadou Saliou Diallo, PDG du groupe Sonoco, remettent aux sages une enveloppe de 60 millions de francs guinéens (environ six mille euros). C’est la « contribution du chef de l’État aux sacrifices ». À charge pour eux de transmettre à Alpha Condé le cri de cœur des habitants de Dar-Es-Salam : « C’est lui (Alpha Condé, ndlr) qui a été endeuillé. Il a perdu une partie de sa famille. Trois maisons ont été englouties par les ordures. Nous vous demandons, pour l’amour de Dieu, de nous aider à déplacer les ordures d’ici, avant qu’elles ne fassent de nouvelles victimes », lance le porte-parole du quartier.
Promesse non-tenue
Plantée en plein cœur de Conakry, la décharge à ciel ouvert de Dar-Es-Salam est impressionnante. Aménagée alors que « Conakry comptait moins d’un million d’habitants », l’endroit est toujours l’unique dépotoir non conventionnel de la capitale guinéenne et « continue de recueillir les déchets d’environ quatre millions de personnes », confiait récemment à Jeune Afrique un travailleur de la mairie de Kaloum.
Sidy Diallo a perdu son frère dans la catastrophe. Il se souvient que quand ce dernier s’est installé à Dar-Es-Salam dans les années 1970, « la décharge n’était pas aussi grande ». « Nous avons toujours demandé aux autorités de la déplacer. En réponse, elles ont promis d’implanter à proximité une usine pour transformer les ordures en engrais. Nous attendons encore », poursuit-il.
L’État projette de construire une autre décharge plus moderne, à Dubréka, près de Conakry, mais le projet tarde à sortir de terre. En attendant, les riverains de de Dar-Es-Salam sont exposés à la pollution, déplore Amadou Sara Diallo, membre de l’une des familles endeuillées : « En saison sèche, on est envahi par la fumée qui se dégage en permanence des ordures et noircit nos maisons, nos meubles… Quand il pleut, la décharge pue. Nous sommes obligés d’aller ailleurs acheter l’eau potable. »
JA