Du côté du président Uhuru Kenyatta comme chez l’opposition coalisée derrière Raila Odinga, on prépare la prochaine bataille présidentielle. L’élection du 8 août a été annulée par la Cour suprême, mais un nouveau scrutin devrait se tenir dans 60 jours. Un délai très court, qui suppose pour les candidats de ne pas perdre de temps.
Pas de temps mort pour le président kényan. Trois heures à peine après la décision de la Cour suprême, Uhuru Kenyatta était devant des centaines de partisans, encore sous le choc, dans un quartier populaire de Nairobi. « Le président de la Cour suprême et ses hommes viennent de dire que cette élection est annulée. Nous retournons donc au charbon, la campagne reprend », a lancé, debout à travers le toit d’un 4×4, les manches relevées, le président Kenyatta.
Celui que l’élection du 8 août avait donné gagnant a donc tenté de mobiliser ses troupes, tout en affichant une très grande confiance quant à l’issu de la nouvelle présidentielle. « Aujourd’hui je suis debout devant vous sans aucune hésitation, sans peur, en remerciant les Kényans. Vous nous avez déjà donné la majorité au Sénat, parmi les gouverneurs, les assemblées locales jusqu’ici à Nairobi, où [son parti] Jubilee est majoritaire », a poursuivi Uhuru Kenyatta en swahili, langue nationale du pays.
« On n’a pas peur ! Et vous, vous avez peur ? Etes-vous prêts à y aller ? Alors, qu’on en finisse. Nous allons leur montrer que nous sommes de vrais hommes ! » a-t-il lancé devant une foule en liesse, promettant que « personne ne pourra distinguer Nairobi de Londres d’ici deux ans. » Fini donc, l’air un peu hagard et le ton hésitant de son premier discours de la journée, dans lequel Uhuru Kenyatta s’était engagé à « respecter » une décision qu’il a dit ne pas approuver.
Devant ses fidèles, le président sortant a aussi insisté une nouvelle fois sur la nécessité de garantir le calme dans ce pays traumatisé par le souvenir des violences post-électorales de 2013. Photos de la manifestation à l’appui, il a publié plusieurs tweets, dont l’un appelle notamment au maintien de la paix.
La paix est aussi une priorité pour la Commission électorale. Son président Wafula Chebutaki incite les Kenyans à « rester calme et à se garder de toute rhétorique politique susceptible de porter attente à la stabilité et à la cohésion » du pays.
« Nous ne laisserons plus jamais une élection être volée au Kenya »
Dans le même temps, les partisans de Raila Odinga sont sortis par milliers dans les rues pour exprimer leur joie suite à la décision de la Cour suprême d’invalider la réélection d’Uhuru Kenyatta. Dans un bidonville de la capitale, Kibera, où les partisans de l’opposition avaient affronté la police il y a trois semaines après l’annonce des résultats qui donnaient Uhuru Kenyatta gagnant, l’heure était à la célébration, a remarqué notre correspondante sur place.
Dans les rues de Kibera, la foule en délire dansait et chantait « Tibim », « révolution », le mot d’ordre de l’opposition. Suzanne Akini s’écarte un moment de la foule et lance : « Nous sommes très heureux, nous sommes très enthousiastes, nous remercions Dieu, nous remercions la Cour [suprême], le juge Maraga. » La femme poursuit avec joie quand elle évoque le président de la Cour suprême : « Que dieu bénisse Maraga, il a nous a rendu justice ! Nous ne laisserons plus jamais une élection être volée au Kenya…. Rail Tibim ! »
Dans le bidonville de Kibera, fief de Raila Odinga, on est enthousiaste à l’idée d’aller voter une seconde fois. « Oui, il a une chance, il a 99 % de chances, parce que ses votes ont été volés. Il sera le prochain président », veut croire un habitant, Georges Otieno, plein de confiance dans la victoire de l’opposant.
La foule parade dans les rues du bidonville, ralliant les jeunes enfants, les vendeuses de fruits, et les conducteurs de minibus qui prennent part à la danse en sifflant. « Nous allons vraiment fêter cela. Je vais aller acheter de la viande, et des sodas, et nous allons manger tous ensemble, avec les enfants, et les voisins », explique une femme un peu en retrait.
Ce soir, les violences des dernières semaines semblent bien loin à Kibera, et les habitants du bidonville sont pleins d’espoir, célébrant également une confiance retrouvée dans leur système judiciaire.
« C’est une victoire pour notre pays, les Kenyans d’aujourd’hui et les générations à venir. La souveraineté du peuple, le respect de la loi et des institutions, l’ont emporté » s’enthousiasme Adams Oloo, conseiller technique de l’opposition, selon qui cette annulation est « un désaveu pour les observateurs. » Ces derniers avaient en effet conclu, après l’élection, qu’aucune « fraude massive » ne l’avait entachée. Adams Oloo prévient : « Nous attendons qu’une nouvelle commission électorale soit nommée. L’actuelle est biaisée. Elles n’est pas indépendante, pas impartiale. Elle ne peut plus être un arbitre. »
RFI