CPI, RD Congo, droits de l’homme… Le chef de l’État guinéen, président en exercice de l’UA, défend ses choix pour son pays comme pour le continent.
Être le président en exercice de l’Union africaine confère un avantage de taille : celui d’être accueilli, au titre de porte-parole du continent, par les superpuissants de la planète Terre. Alpha Condé l’a bien compris, lui qui, en septembre, a été reçu tour à tour par Xi Jinping, Donald Trump et Vladimir Poutine. Pour parler des rapports entre l’Afrique et le monde bien sûr, mais aussi de la Guinée, que ce chef d’État de 79 ans n’oublie jamais de placer au cours de ses échanges…
On n’est jamais mieux servi que par soi-même. Aussi est-il revenu de Pékin avec un mégaprêt de 20 milliards de dollars sur vingt ans, de Moscou avec l’effacement des intérêts de la dette et des projets de construction d’hôpitaux et de casernes, de New York avec la promesse d’un engagement de l’Eximbank à accompagner les investisseurs américains en Guinée. De quoi fouetter une activité économique qui, portée par un taux de croissance honorable de 6,7 % en 2017, rebondit enfin.
Renaissance programmée
Capitale constamment au bord de l’AVC circulatoire dont l’aménagement a jusqu’ici été négligé, le pouvoir préférant porter ses efforts sur l’intérieur du pays, Conakry devrait profiter de cette manne annoncée au cours des trois dernières années du second mandat d’Alpha Condé.
Les maquettes, impressionnantes, de la renaissance de la presqu’île de Kaloum et des îles de Loos disent l’ampleur colossale d’un chantier sur lequel interviendront des entreprises turques, marocaines, singapouriennes, chinoises et françaises.
« Dans les années 1950, Houphouët-Boigny se disait prêt à échanger la Côte d’Ivoire contre la Guinée : nous allons lui donner raison », dit ce président intarissable sur les « scandaleuses » richesses minières et agricoles de son pays.
Équilibre politique
Le problème, bien sûr, c’est que le temps de la politique n’est pas celui du développement. Pressée d’accéder (ou de ré-accéder) au pouvoir, l’opposition ne ménage guère Alpha Condé, qui, en janvier prochain, transmettra la présidence en exercice de l’UA au Rwandais Paul Kagame.
Sous la houlette de son chef de file, Cellou Dalein Diallo, lequel fut pendant une décennie de régime militaire ministre puis Premier ministre, elle organise des manifestations de rue parfois imposantes qui se heurtent presque systématiquement aux forces de l’ordre. Au sein d’une classe politique où la nuance et le sens de l’équilibre n’ont jamais eu droit de cité, propos et slogans sont souvent violents, les invectives fusent, et les nerfs sont à fleur de peau.
Dans la ligne de mire : les élections locales et législatives de 2018 et, au-delà, la présidentielle de 2020, à laquelle l’opposition soupçonne Alpha Condé de vouloir se présenter, même si, dans son état actuel, la Constitution le lui interdit. « Ce débat ne me concerne pas, répond invariablement l’intéressé. Ni moi ni les Guinéens, qui m’ont élu pour réformer et transformer la Guinée. » Dont acte, pour l’instant.
Jeune Afrique : Votre mandat à la tête de l’Union africaine s’achève dans un peu plus de deux mois. En quoi cet exercice aura-t-il bénéficié aux Guinéens ?
Alpha Condé : Sur le plan symbolique, cela aura été une sorte de retour aux sources. Souvenez-vous du rôle majeur que la Guinée de Sékou Touré a joué dans la libération du continent. Le MPLA [Mouvement populaire de libération de l’Angola] a été fondé en partie à Conakry avec Mário de Andrade. Des cadres de l’ANC, dont Nelson Mandela et Thabo Mbeki, ont suivi une formation militaire à Kindia. Et la Guinée a été l’un des principaux artisans de la création de l’OUA [Organisation de l’unité africaine], à qui elle a donné son premier secrétaire général, Diallo Telli.
Les mots d’ordre de l’époque, unité et souveraineté africaines, sont plus que jamais d’actualité : ce n’est pas un hasard s’il m’est revenu de les réaffirmer cette année à la face du monde. Pour les Guinéens, cette présidence en exercice est un motif de fierté et la preuve que leur pays est désormais incontournable sur la scène panafricaine.
Vous vous êtes beaucoup investi dans la résolution de la crise gambienne, fin janvier. Êtes-vous satisfait du résultat ?
Évidemment. C’est la preuve que les Africains peuvent régler leurs problèmes sans l’intervention de quiconque. Et cela offre un modèle à suivre pour résoudre d’autres crises en cours.
Celle que traverse la RD Congo par exemple ?
Oui. Nous tentons de la circonscrire entre Africains. Le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, était à Kinshasa il y a peu. Moi-même, j’ai eu à New York un long entretien avec le président Kabila et j’ai reçu ses principaux opposants.
Les métastases de la crise libyenne nous touchent, nous Africains, plus que quiconque
Nous avons, je crois, convaincu ces derniers de se concentrer sur la tenue des élections, plutôt que de se focaliser sur la contestation du gouvernement. Bien sûr, l’appui des Européens, des Américains et de l’ONU est le bienvenu pour aider les Congolais à organiser et financer les scrutins. Mais c’est aux Africains de proposer les solutions et aux autres de nous accompagner, pas l’inverse.
Même schéma en ce qui concerne la crise libyenne ?
Absolument. D’abord pour une raison de principe : les problèmes européens se règlent en Europe, dans le cadre de l’Union européenne, les problèmes asiatiques en Asie, les problèmes américains en Amérique, les problèmes africains doivent se régler en Afrique.
Ensuite parce que la destruction de la Libye et l’élimination de Kadhafi ont fait de ce pays un cancer, dont les métastases nous touchent, nous Africains, plus que quiconque. Là encore, l’aide de l’ONU, de la France ou de l’Italie est utile. Mais c’est à l’UA que toutes les tendances libyennes font aujourd’hui confiance pour trouver une solution, quoi qu’en disent certains.
Si nous voulons faire taire les armes, l’Afrique doit parler d’une seule voix
Le président du Congo, Denis Sassou Nguesso, qui préside le Comité des chefs d’État sur la Libye, a établi une feuille de route qui doit déboucher sur un gouvernement d’union nationale chargé d’organiser des élections. Un grand sommet est prévu en décembre. La seule voie à suivre est donc africaine.
Tous les dirigeants libyens que j’ai rencontrés me l’ont répété : les pyromanes ne peuvent pas être les pompiers. Je suis d’ailleurs heureux de constater que, dans cette affaire, les Africains parlent d’une seule et même voix. Si nous voulons réussir notre pari de faire taire les armes sur le continent à l’horizon 2020, c’est indispensable.
Vous avez été élu à la présidence de l’UA dans un contexte particulier : celui des réformes de fond proposées par le Rwandais Paul Kagame et avalisées par le sommet d’Addis-Abeba. Où en est leur application ?
Nous progressons sur la voie de l’autonomie financière et de la rationalisation de notre fonctionnement. Depuis la création de l’UA, 1 500 résolutions ont été prises – pour la plupart sans suite. Il fallait que cela change.
Notre absence au Conseil de sécurité est plus qu’une anomalie
Désormais, le sommet de janvier se concentre sur un ou deux sujets majeurs, et celui de juillet examine la mise en œuvre des décisions adoptées. C’est ce qui a été fait cette année concernant le thème de la jeunesse et de l’atout démographique, confié au président tchadien, Idriss Déby Itno.
Autre thème fort, porté par vous-même lors de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre : la revendication de deux sièges pour l’Afrique au Conseil de sécurité. Avez-vous une chance d’être écouté ?
Je l’espère. Le monde de 2017 n’est plus celui de 1945, et 70 % des problèmes traités par le Conseil de sécurité, tout comme la majorité des opérations de maintien de la paix de l’ONU, concernent l’Afrique. Notre absence est plus qu’une anomalie, c’est une injustice. La Chine, la Russie et la France soutiennent cette revendication. Il nous reste deux pays à convaincre : les États-Unis et la Grande-Bretagne. Nous y parviendrons. C’est dans leur intérêt.
Entre l’UA et la Cour pénale internationale, le divorce est-il prononcé ?
La question ne se pose pas. Une résolution a été prise en janvier lors du sommet d’Addis, demandant aux États africains de quitter la CPI. Non pas parce que nous sommes en faveur de l’impunité et contre les droits de l’homme, mais parce qu’il faut que les Africains soient jugés en Afrique par notre propre cour pénale, dont les statuts doivent être ratifiés par les membres de l’UA.
Nous devons rendre opérationnelle la Cour africaine de justice
C’est une question de logique : si nous sommes opposés aux ingérences étrangères, nous devons rendre opérationnelle la Cour africaine de justice. Pour le reste, le procès du deux poids et deux mesures intenté à une CPI qui ne juge que des Africains et dont s’exonèrent quelques grandes puissances est largement instruit. Je ne vais pas le refaire ici.
Votre opposition estime que vous voyagez trop, au détriment des problèmes domestiques. Que répondez-vous ?
C’est un jugement stupide. J’ai certes voyagé en tant que président de l’UA, mais aussi et toujours comme chef de l’État guinéen. Mes déplacements en Chine, en Russie, en Turquie, en Arabie saoudite, à Abou Dhabi, au Soudan ou ailleurs ont tous eu des retombées concrètes pour la Guinée. Ceux-là mêmes qui me critiquent étaient aux affaires sous le régime de Lansana Conté, dont on sait qu’il se contentait de régner sans gouverner.
Aujourd’hui, la Guinée existe à nouveau sur la carte du monde
Qu’ont-ils fait de la Guinée ? Que diront-ils quand il leur faudra rendre des comptes ? Lorsque j’ai été élu en 2010, on confondait la Guinée avec la Guinée-Bissau et la Guinée équatoriale, et seules trois compagnies aériennes d’envergure internationale desservaient Conakry. Aujourd’hui, elles sont six, bientôt huit. Et mon pays existe à nouveau sur la carte du monde.
Vous venez de conclure avec la Chine un prêt de 20 milliards de dollars sur vingt ans. C’est considérable. En 2009, un accord du même type avait été signé, sans aucun résultat. En quoi celui-là est-il différent ?
L’accord de 2009 n’avait pas été passé avec l’État chinois, mais avec une société chinoise basée à Hong Kong et à Luanda. C’était un accord léonin que j’ai refusé d’appliquer dès mon accession au pouvoir, parce qu’il revenait à offrir à cette société la quasi-totalité de nos ressources minières et énergétiques en échange d’un investissement de 7 à 10 milliards de dollars. Celui-ci n’a rien à voir.
Ce n’est pas un accord de troc, et rien n’est hypothéqué. Les entreprises intéressées par l’exploitation de nos ressources opéreront avec la garantie de l’Eximbank chinoise. Une partie des royalties qu’elles nous paieront servira à rembourser le prêt qui nous a été accordé, lequel sera dépensé en fonction de projets ponctuels.
Dès 2018, seront entrepris de grands travaux : la route nationale 1, la voirie de Conakry, une ligne à haute tension, une nouvelle université, des logements sociaux, sans oublier l’agriculture…
N’est-ce pas risquer de dépendre fortement de la Chine ?
Non. La Guinée n’est la chasse gardée de personne, et notre potentiel est tel qu’il y a de la place pour tout le monde. Rien que dans la bauxite, Américains, Russes, Émiratis, Indiens et Français sont présents. Je l’ai dit à Donald Trump et à Angela Merkel : accompagnez vos entreprises comme le font les Chinois. La Guinée est un pays ouvert.
Des enquêtes sont en cours en Australie et en Grande-Bretagne à propos de faits de corruption dont se serait rendue coupable la société minière Rio Tinto en Guinée. Qu’avez-vous à en dire ?
Que cela n’a aucun rapport avec l’accord que j’ai conclu avec Rio Tinto après mon arrivée au pouvoir – un accord entièrement bénéfique pour la Guinée puisqu’il a débouché sur le versement d’une pénalité de 700 millions de dollars au Trésor guinéen et sur la rétrocession de 15 % d’actions. Maintenant, si ces gens ont des comptes à régler entre eux sur la base de commissions dont j’ignore tout, cela ne me concerne pas.
Je vous rappelle que j’ai imposé un nouveau code minier transparent, qui a été salué par le G20 comme un modèle en la matière. Cela nous a permis de récupérer 800 concessions minières bradées par les précédentes administrations. Si je voulais gagner de l’argent de façon illicite, j’aurais négocié avec Beny Steinmetz et sa société BSGR !
Je ne compte plus le nombre d’intermédiaires qui m’ont proposé un arrangement assorti de dizaines de millions de dollars. J’ai refusé, quitte à ce que l’on dise : « Alpha est un ancien communiste, il mourra pauvre. »
Entre le pouvoir et l’opposition guinéenne, une sorte de gentlemen’s agreement semblait avoir été conclu en 2016, dans un souci d’apaisement. Mais depuis quelques mois, si l’on en juge par les déclarations de vos adversaires, les couteaux sont à nouveau tirés. Pourquoi ?
L’accord portait sur trois objets. Premièrement : organiser des élections locales. La commission électorale a proposé la date du 4 février 2018. Deuxièmement : indemniser les victimes des manifestations. Troisièmement : donner un statut dont des émoluments au chef de file de l’opposition.
Il faudra bien que l’on s’explique avec l’opposition, bilan contre bilan
Tout cela a été respecté, même si certains aspects ont pris du retard. Il y a des gens, au sein de l’opposition comme de la mouvance présidentielle, que la tranquillité n’arrange pas. Mon rôle est d’être le garant des accords conclus entre les uns et les autres. Ce qui me gêne dans le fond, c’est de voir les dirigeants de l’opposition, leur leader en tête, se comporter comme s’ils étaient aussi vierges que moi quand j’ai accédé au pouvoir il y a sept ans. Mais ils ont géré ce pays !
Il faudra bien que l’on s’explique, bilan contre bilan. Il est temps que tombent les masques. Trop de mensonges, trop d’intoxications… L’heure est venue d’ouvrir les dossiers.
L’opposition avance le chiffre de 83 morts lors de la répression de diverses manifestations depuis 2010. Que répondez-vous ?
Ce chiffre ne tient compte ni du nombre de policiers décédés ni du nombre de civils abattus par armes de chasse ou autres – des armes dont ne sont pas dotées les forces de l’ordre. J’ai demandé aux services français spécialisés de nous aider à expertiser les balles, et nous saurons bientôt la vérité.
Combien de mes militants ont-ils été tués quand les chefs de l’opposition étaient aux affaire ?
Par ailleurs, j’ai été dans l’opposition pendant quarante ans, j’ai organisé beaucoup de manifestations. Jamais mes militants n’ont agressé des gendarmes ou brûlé des voitures. Ceux que nous voyons aujourd’hui dans les rues ont des frondes, des machettes et des cocktails Molotov. C’est moi qui ai fait rentrer l’armée dans les casernes, moi aussi qui ai entrepris d’inculquer aux gendarmes et aux policiers issus de l’ancien régime les notions de maintien démocratique de l’ordre, tâche ardue s’il en est tant les mauvaises habitudes étaient ancrées.
Ce n’est pas à mon âge que je vais entamer une carrière de dictateur, comme disait de Gaulle. Ni me livrer à une comptabilité malsaine : combien de mes militants ont-ils été tués par les militaires quand les chefs de l’opposition actuelle étaient aux affaires ? Veulent-ils vraiment qu’on ouvre ce débat ?
Autre thème récurrent : le troisième mandat. Beaucoup pensent que vous vous préparez à faire modifier la Constitution pour vous présenter à nouveau devant les électeurs en 2020. Est-ce exact ?
Nous sommes en octobre 2017. J’en suis à la deuxième année de mon second quinquennat. La seule chose qui m’importe, c’est de tenir les engagements que j’ai pris devant le peuple de Guinée lors de ma réélection. Si certains veulent discuter à l’infini du sexe des anges, c’est leur problème.
La limitation des mandats, c’est un débat qu’on nous a imposé, avez-vous dit…
C’est un débat qu’on veut nous imposer et qu’on ne nous imposera pas, surtout pas de l’extérieur. Ce ne sont ni les médias étrangers, ni les ONG, ni les chancelleries qui font l’opinion africaine. Encore moins l’opinion guinéenne.
Que s’est-il réellement passé à Boké, ville minière secouée par de violentes émeutes en septembre ?
Au départ, une maladresse : procéder à un délestage électrique un soir de Ligue des champions, il ne fallait évidemment pas le faire. Puis l’expression d’un malaise. Dans le code minier que j’ai fait adopter, il est spécifiquement prévu que les compagnies doivent employer en priorité des sociétés et des nationaux guinéens issus de la région où ces compagnies exercent, sauf si ni les uns ni les autres ne répondent aux critères de qualification exigés. C’est ce qu’on appelle le contenu local. Or ce contenu local n’est pas toujours respecté, et je le leur ai clairement signifié.
Enfin, il y a le problème de la pollution générée par les camions qui traversent la ville en attendant que soit achevée la route de contournement. Reste que ces revendications légitimes ne justifient pas les violences : des maisons ont été détruites, des rails démontés. Ce dernier point relève de la récupération et de la manipulation. Des gangs de voyous ont été envoyés depuis certains quartiers de Conakry pour semer des troubles. Des enquêtes sont en cours.
Huit ans après le massacre du 28 septembre 2009, le procès tarde à venir. Quand aura-t-il lieu ?
Le pôle judiciaire chargé de l’instruction avance, comme l’a souligné le procureur de la CPI, Fatou Bensouda. Je n’étais évidemment pas président quand ce massacre a eu lieu, mais j’en assume la responsabilité en tant que chef de l’État. Tout comme j’assume la responsabilité des massacres du camp Boiro en 1985, en 2007 et en 2009, dont mes militants ont été victimes et dont personne ne parle.
Ce qui préoccupe les Guinéens, ce n’est pas le 28 septembre, c’est l’eau, l’électricité, les transports…
Sur les quatorze personnes inculpées, trois sont encore en fonction à vos côtés. N’est-ce pas gênant ?
En quoi est-ce gênant ? Être inculpé ne veut pas dire être coupable. Certains d’entre eux n’étaient même pas à Conakry quand le massacre s’est produit ! Soyons clairs : il n’y aura pas d’impunité, mais je refuse qu’on instrumentalise ce drame à des fins politiques. Ce qui préoccupe les Guinéens qui m’ont élu, ce n’est pas le 28 septembre, c’est l’eau, l’électricité, les transports et le panier de la ménagère.
Vos relations avec le président français Emmanuel Macron sont-elles aussi fluides qu’avec votre camarade socialiste François Hollande ?
Mon amitié avec François Hollande était antérieure à son accession à l’Élysée. Ma relation avec lui n’est donc pas duplicable. Quant à mes rapports avec le président Macron, que j’ai rencontré lorsqu’il était ministre, puis candidat, et que j’ai revu depuis son élection lors de différents sommets, ils sont sereins. Nous communiquons régulièrement, de personne à personne et d’État à État.
Je tranche les problèmes, je me fiche parfois du protocole
Mais il ne vous a toujours pas reçu à l’Élysée…
Ne cherchez pas de problème là où il n’y en a pas. J’ai transité deux fois par Paris depuis mai 2017. La première fois, Emmanuel Macron était à Bruxelles, et la deuxième, à Saint-Martin, aux Antilles. Pour le reste, tout va bien, ne vous inquiétez pas.
Pourtant, vous ne paraissez pas être sur la même longueur d’onde en ce qui concerne la démographie africaine. Il a d’abord parlé de « défi civilisationnel », puis vous de « chance pour l’Afrique ». Divergence de fond ?
Votre chronologie est inexacte. J’ai parlé de « chance » à N’Djamena en juin et Emmanuel Macron de « défi » à Hambourg en juillet. Je ne lui ai donc pas répondu. C’est vrai que notre appréciation de tel ou tel sujet peut être différente. Cela n’a rien d’anormal et nous en discutons.
Sept ans après votre arrivée au pouvoir, en quoi avez-vous changé ?
Vous m’avez connu bien avant mon élection. À vous de me le dire.
Il y a deux mois, vous avez limogé cinq ministres en l’espace de vingt-quatre heures, et les intéressés ont appris leur infortune par la radio. Quand je vois cela, je me dis que l’Alpha Condé de 2017 est le même qu’en 2010 : président de tout et de partout.
Et alors ? Qu’aurais-je dû faire ? Les maintenir à leur poste alors que je juge en toute objectivité qu’ils ont failli ? C’est vrai que sur beaucoup d’aspects je n’ai pas changé : je tranche les problèmes, je me fiche parfois du protocole quitte à étonner certains de mes pairs, je reste fidèle à mes amis. Eh bien, je m’en félicite.
Pour le reste, rassurez-vous : au fur et à mesure que croît le nombre de cadres guinéens honnêtes, patriotes et compétents, je sais prendre de la distance, déléguer et faire confiance.
Rfi