Permettez-moi tout d’abord d’exprimer toute ma gratitude à son Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat, le Professeur Alpha CONDE et au Premier Ministre, Chef du Gouvernement, Monsieur Mamady YOULA, pour la confiance portée en ma modeste personne comme Ministre du Budget, afin de présenter une fois de plus à votre honorable Institution le Projet de Loi de Finances pour 2018.
La présentation du Projet de Loi de Finances Initiale 2018 à votre auguste Assemblée m’offre l’opportunité, suite à l’organisation du premier Débat d’Orientation Budgétaire, de soumettre à votre examen les projections de recettes, de dépenses, du déficit budgétaire et des moyens de son financement, conformément aux objectifs de la politique budgétaire du Gouvernement.
La session budgétaire qui vient de s’ouvrir se tient dans un contexte marqué, entre autres, par la validation du Plan National de Développement Économique et Social (PNDES 2016-2020), la signature d’un accord-cadre de financement de nos projets prioritaires avec la République Populaire de Chine pour une enveloppe de 20 milliards de dollars US couvrant une période d’au moins 20 ans (2017-2036) et la préparation des élections communales et communautaires prévues en février 2018.
Elle coïncide également avec la renégociation avec le Fonds Monétaire International d’un nouveau programme de politiques économiques et de réformes, appuyé par la Facilité Élargie de Crédit sur une période de trois ans s’étendant de 2017 à 2020. Ce programme vise à soutenir le Plan National de Développement Economique et Social en vue d’atteindre une croissance plus élevée et partagée, réduire la pauvreté et créer des emplois, tout en préservant la stabilité macroéconomique et la viabilité de la dette.
Mon intervention va s’articuler essentiellement autour du contenu du projet de budget, ainsi que ses bases d’évaluation.
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Honorables députés,
Le projet de loi de finances pour 2018 vise à consolider les résultats obtenus ces dernières années dans les efforts de stabilisation du cadre macroéconomique et budgétaire en vue d’accélérer la croissance économique, de réduire la pauvreté, créer des emplois et de promouvoir le développement du secteur privé dans notre pays.
Les objectifs de la politique budgétaire continueront de s’appuyer sur (i) le maintien du déficit budgétaire et l’endettement à un niveau raisonnable en pourcentage du PIB, (ii) la recherche active de financements extérieurs sous forme de dons et de prêts concessionnels, (iii) la consolidation et l’approfondissement des efforts pour une mobilisation accrue des ressources internes, (iv) une meilleure allocation des ressources en privilégiant les services de base et les projets d’investissements aptes à impulser la croissance, (v) le renforcement de la déconcentration budgétaire et (vi) la poursuite de la mise en œuvre du plan de réformes des finances publiques.
En application des dispositions de la Loi organique relative aux Lois de finances et du décret portant Cadre de gouvernance des finances publiques, le budget 2018 a été élaboré sur la base d’une approche pluriannuelle.
Le document de cadrage budgétaire à Moyen Terme (CBMT) 2018-2020 qui vous a été présenté lors du Débat d’Orientation Budgétaire fixe sur les trois ans à venir, l’évolution des principaux agrégats des finances publiques. II est établi sur la base d’hypothèses macro-économiques telles que convenues avec le Fonds Monétaire International ainsi que d’estimations des ressources et charges publiques.
Cette approche pluriannuelle de la préparation budgétaire met en perspective la trajectoire des finances publiques dans le moyen terme et vise à assurer une meilleure cohérence entre le budget et les politiques sectorielles, d’une part, et les objectifs du PNDES 2016-2020, d’autre part.
Le projet de budget 2018 se fonde sur les hypothèses suivantes, convenue avec le FMI : réaliser un taux de croissance du PIB de 5,8% contre 6,6% dans la Loi de Finances Rectificative 2017, stabiliser le taux d’inflation (en glissement annuel) à 8,2%, réaliser un taux de pression fiscale de 16,21% du PIB contre 15,43% en 2017, maintenir le niveau des réserves de change à 3 mois d’importations, stabiliser le taux de change de la monnaie nationale par rapport aux devises étrangères en continuant de réduire la prime de change entre le marché officiel et le marché parallèle, avoir un niveau de dépenses courantes de 12,81% du PIB et un niveau de dépenses d’investissement de 7,42% du PIB.
Ces prévisions restent par ailleurs basées sur des hypothèses conservatrices, convenues avec nos partenaires du FMI, alors que celles de la Direction Nationale du Plan les établissent à des niveaux plutôt élevés, notamment en ce qui concerne le taux de croissance qui serait de deux chiffres à l’horizon 2020.
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Honorables députés
Le projet de loi de finances 2018 a tenu compte des résultats de l’exécution du budget 2017 projetés au 31 décembre.
A fin juin 2017, sur une prévision en loi de finances initiale de 12 704,33 Mds, les recettes budgétaires intérieures ont été mobilisées à hauteur de 7 297,03 Mds, soit un taux de réalisation de 57,43%. Projetées à fin décembre 2017, ces recettes vont atteindre 13 275,83 Mds, soit un accroissement de 571,49 Mds (4,50%) par rapport à la prévision initiale.
Au cours du premier semestre 2017, les ressources extérieures (dons et emprunts) ont été mobilisées à hauteur de 434,93 Mds sur une prévision initiale de 3 446,65 Mds, soit un taux de réalisation de 12,62%. A fin décembre, elles sont projetées à 2 193,73 Mds, soit une diminution de 1 252,92 Mds (-36,35%).
Les dons ont été réalisés pour 320,13 Mds (13,82%) et les emprunts pour 114,80 Mds (10,16%). Cette faible mobilisation s’explique par la non réalisation de certaines conditionnalités de décaissements fixées par les partenaires techniques et financiers.
Au titre des dépenses, l’exécution à fin juin se chiffre à 5 323,15 Mds dont 4 707,92 Mds sur ressources intérieures et 615,23 Mds sur financement extérieur. L’exécution projetée des dépenses à la fin de l’exercice budgétaire se chiffre à 15 811,98 Mds, soit un accroissement de 484,54 Mds par rapport à la loi de finances initiale.
L’accroissement du niveau des dépenses observé est imputable aux dépenses courantes pour 629,17 Mds alors que les dépenses d’investissement diminuent de 145,63 Mds.
Au niveau des dépenses courantes, l’augmentation projetée pour le reste de l’année porte sur les subventions et transferts principalement en faveur du secteur de l’énergie.
La diminution des dépenses en capital s’explique par les difficultés de mobilisation du financement extérieur en raison des contraintes liées aux conditionnalités et aux procédures de décaissement de certains bailleurs.
Le solde budgétaire hors dons qui se dégage des projections à fin décembre s’établira à -2,68% du PIB sur une prévision initiale de -3,7%. Quant au solde de base et au solde primaire, ils représenteront respectivement 0,16% et 1,02% du PIB contre 0,62% et 1,75% en loi de finances initiale.
Ces résultats traduisent l’effort du Gouvernement pour accélérer la croissance économique et mettre en œuvre le PNDS. Ils expriment aussi, s’il en est besoin, la détermination du Gouvernement à continuer à déployer des efforts nécessaires pour améliorer la gouvernance de nos finances publiques dans l’intérêt de nos concitoyens.
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Honorables députés,
Conformément aux objectifs de la politique budgétaire du Gouvernement et prenant en compte les projections de l’exécution de la loi de finance 2017, les grandes masses et soldes caractéristiques du projet du budget pour 2018 se présentent ainsi qu’il suit :
Recettes intérieures en pourcentage du PIB : 16,2%
Dépenses courantes en pourcentage du PIB : 12,8%
Dépenses d’investissement en pourcentage du PIB : 7,4%
Solde de base en pourcentage du PIB : 0,9%
Les recettes et dons sont projetés en 2018 à 17 676,0 Mds et sont constitués de 16,3% de recettes du secteur minier, 75% du secteur non minier et 8,7% de dons.
Les recettes intérieures sont estimées à 16 136 Mds contre une prévision en loi de finances rectificative 2017 de 13 489 Mds, soit une augmentation de 2 647 Mds (20%). Ces recettes intérieures concernent les recettes fiscales pour 15 383,5 Mds et les autres recettes pour 752,5 Mds.
Le taux de pression fiscale est estimé en 2018 à 16,2% contre 15,4% en 2017.
Les objectifs de recettes par régie financière pour l’exercice budgétaire 2018 se présentent comme suit :
Ø Direction Nationale des Impôts……………………….…………….7 325,9 Mds (23%)
Ø Direction Nationale Patrimoine de l’Etat et Investissements
Privés /Cadastre…………………………………………………….. 79,3 Mds (6%)
Ø Direction Nationale du Trésor et de la comptabilité publique 2 539,7 Mds (104%) dont 1 939,4 Mds de Recettes minières ;
Ø Direction Générale des Douanes………………………………………5 918 Mds (-1%)
Les pourcentages sont exprimés en termes d’accroissement par rapport à 2017.
Les dons sont attendus à hauteur de 1 540 Mds et baissent de 388 Mds comparativement aux prévisions de la loi de finances rectificative 2017.
Ils se répartissent en dons affectés pour 796 Mds et en dons non affectés pour 744 Mds.
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Honorables députés,
Au titre des dépenses, les prévisions du budget 2018 sont évaluées à 20 155,5 Mds contre 15 912,1 Mds projetés pour fin 2017, représentant respectivement 20,2% et 18,2% du PIB, soit un accroissement de deux points de pourcentage.
Les charges financières de la dette sont chiffrées à 1 264 Mds contre une projection à fin 2017 de 1 156,1 Mds, soit une augmentation de 9,3%. La part des intérêts de la dette dans les dépenses courantes est de 10%. Les intérêts de la dette pour 2018 se décomposent en intérêt de la dette intérieure pour 923 Mds et en intérêt de la dette extérieure pour 341 Mds avec une part importante des intérêts de la dette intérieure de 76%.
Les dépenses de personnel sont évaluées à 4 129 Mds en 2018 contre 3 600,5 Mds en 2017 soit une progression de 14,7%. Cette augmentation de la masse salariale tient compte du glissement catégoriel annuel, des recrutements éventuels de nouveaux fonctionnaires pour certains secteurs de l’administration, de l’application des protocoles d’accord avec les acteurs sociaux et des départs à la retraite.
La part des dépenses de personnel dans les dépenses courantes se situe à 32,4% et absorbe 26,8% des recettes fiscales
Les dépenses de biens et services sont projetées à hauteur de 3 742 Mds contre 3 130,1 Mds en 2017, soit un accroissement de 19,5%. Leur part dans les dépenses courantes s’établit à 29% contre 28,2% en 2017. Elles représentent 23,2% des recettes intérieures projetées en 2018.
Les dépenses de transfert sont évaluées à 3 634 Mds en 2018 contre une projection à fin décembre 2017 de 3 218 Mds, soit un accroissement de 13%. Cette augmentation se justifie par la prise en charge des besoins de fourniture domestique en électricité et des innovations en matière de gouvernance, de formation et de recherche au niveau des institutions d’enseignement supérieur.
La part des dépenses de transferts dans les dépenses courantes se situe à 28% contre 29% en 2017.
Rapportées au PIB, elles sont restées constantes de l’ordre de 3,6% durant les deux (2) années.
Les dépenses d’investissement passent de 4 785,3 Mds à 7 387 Mds soit une augmentation de 54,4% tirée par les dépenses d’investissement sur financement extérieur (122,6%) et les dépenses sur financement intérieur de 5,4%.
Le budget d’investissement est financé à hauteur de 62% sur ressources extérieures et 38% sur ressources intérieures. Cette tendance s’explique entre autres par les facteurs ci-après :
– l’engagement des partenaires techniques et financiers à accompagner le Gouvernement dans la mise en œuvre du PNDES ;
– le recours progressif du pays pour financer des projets et programmes d’investissements publics par des ressources propres ;
– et le souci du Gouvernement d’encadrer le niveau d’endettement.
Dans la répartition sectorielle de l’enveloppe des investissements trois secteurs absorbent 79% des dépenses d’investissement avec une priorité accordée aux infrastructures (34%), aux mines- industrie – eau énergie (27%) et au social (18%).
Dans le développement rural, l’agriculture bénéficie de 61% du total des investissements du secteur et le sous-secteur forêt et hydraulique villageoise 29%.
Dans le secteur social, l’éducation, la santé et les affaires sociales absorbent respectivement 45% et 49% des dépenses du secteur.
Au plan des infrastructures, les travaux publics engrangent 83% du total des efforts d’investissement du secteur, essentiellement destinés à la réalisation d’infrastructures routières.
Dans le secteur des mines-industrie-eau- énergie, 67% des investissements sont alloués au sous-secteur énergie. Ce niveau d’allocation confirme la volonté du Gouvernement d’assurer l’indépendance énergétique de la Guinée et l’accès à l’eau potable pour tous en valorisant son potentiel hydroélectrique.
Le poids de ces sous-secteurs reflète les grandes orientations des politiques et stratégies contenues dans le PNDES 2016-2020 dont l’objectif est d’impulser une croissance économique forte en vue de réduire de façon significative la pauvreté à travers la réalisation d’infrastructures économiques et sociales qui impactent la vie de nos populations notamment, les routes et pistes rurales, les barrages hydroélectriques, l’aménagement des bas-fonds, l’adduction d’eau, la construction d’hôpitaux et de centres de santé, des écoles et universités, etc.
Il est à noter que dans cette programmation, il a été retenu la prise en compte de 30% de la contrepartie guinéenne au financement des 4 projets issus de l’accord cadre Guinéo-chinois sur les mines soit 41 850 000 dollars US.
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Honorables députés,
Le déficit budgétaire, qui s’établit à 2 220,3 Mds, sera couvert par des concours extérieurs prévus à hauteur de 3 912 Mds et des cessions d’actifs pour 17,5 Mds atténué par des moyens de désendettement à hauteur de 1 709,2 Mds.
Le solde budgétaire de base s’établit 0,93% du PIB contre 0,18% dans la loi de finances rectificative 2017.
Le projet de budget pour l’exercice 2018 repose sur la volonté forte du Gouvernement à renforcer la stabilité macroéconomique tout en créant l’espace budgétaire nécessaire pour accroitre la croissance en soutenant les investissements publics, notamment dans les infrastructures et les dépenses sociales prioritaires.
La réalisation des objectifs de recettes nécessite la mise en œuvre de mesures visant à mobiliser des revenus supplémentaires par l’application des mesures fiscales et douanières contenues dans le projet de loi de finances 2018 et la poursuite des réformes structurelles des régies financières. La réforme des entreprises publiques, ainsi que celle des Établissements publics administratifs, sera également poursuivie en vue de renforcer leur gouvernance et soutenir la mobilisation des recettes publiques.
Au titre des dépenses, l’accent sera mis sur la maitrise des dépenses publiques courantes non prioritaires et le renforcement de la gestion des investissements publics afin d’améliorer la transparence, l’efficacité et le rendement maximal de notre plan national d’investissement.
Par ailleurs, le Gouvernement entend accélérer la mise en œuvre des dispositions novatrices de la loi organique relative aux lois des finances et ses principaux textes, notamment la nouvelle nomenclature budgétaire, la modernisation du système d’information de la préparation et de l’exécution du budget ainsi que les manuels de procédures.
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Honorables députés,
Le respect des lois et règles de bonne gouvernance exige de nous tous que le budget de l’Etat soit préparé, discuté, adopté et promulgué avant le début de l’exercice budgétaire.
Dans cette optique, tout en saluant l’ensemble de vos efforts pour la qualité des relations que vous avez toujours entretenues avec l’exécutif dans la résolution des multiples obstacles que notre pays a été amené à franchir, tout en réaffirmant son engagement à promouvoir la démocratie et la bonne gouvernance, le Gouvernement, sous l’égide de son Excellence Professeur Alpha CONDE, sollicite de votre auguste Assemblée l’examen et l’adoption avant le 31 décembre 2017 du présent projet de budget.
Dieu bénisse la Guinée
Dieu bénisse les Guinéens
Je vous remercie
Ministre du Budget
Mohamed Lamine Doumbouya