La coalition au pouvoir Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) remporte 50 des 66 sièges en jeu aux premières sénatoriales de Côte d’Ivoire, selon un pointage réalisé par l’AFP. Une écrasante victoire, sans surprise, en l’absence de l’opposition qui boycottait le scrutin.
Ce pointage a été réalisé par l’AFP à partir de l’annonce des résultats, circonscription par circonscription, par la Commission électorale indépendante (CEI).
L’issue générale ne faisait pas de doute avec des listes du RHDP face à des indépendants.
Une grosse surprise est toutefois venue de Bouaké, fief traditionnel du pouvoir et ancienne capitale de la rébellion qui soutenait le président Alassane Ouattara. Le RHDP y a été battu par la liste des indépendants qui récolte 157 voix contre 105 au RHDP.
Le pouvoir paie sans doute là son incapacité à régler le problème des fréquentes mutineries récurrentes dans l’armée qui ont secoué le pays en 2017 et dont Bouaké était l’épicentre.
Une claque pour le RHDP qui n’a donc pas convaincu ses propres élus de voter pour sa liste.
« C’est la déception la plus totale. Nous n’avons pas compris comment certains ont pu nous lâcher pour aller voter pour les indépendants. C’est dur mais nous allons acceptons cette défaite, mais les conséquences risquent d’être graves » a reconnu Bazoumana Barro, conseiller municipal à Bouaké.
« C’est la base qui vient de s’exprimer », s’est quant à lui félicité Christophe Koffi, membre du parti de Ouattara qui a soutenu la liste des indépendants, des dissidents.
Le RHDP a aussi été battu dans une autre circonscription hautement symbolique, celle de Yamoussoukro, la capitale administrative, patrie de l’ancien président Felix Houphouet-Boigny dont le RHDP se réclame.
À Abidjan, le RHDP n’a toutefois pas fait de détail, récoltant 100% des bulletins exprimés.
« Sénat monocolore »
L’opposition ainsi que la société civile avaient critiqué le scrutin et demandé son report, soulignant notamment que, l’opposition ayant boycotté les élections locales de 2013, il aurait été plus juste de tenir l’élection de ce premier Sénat après les élections locales qui doivent avoir lieu cette année également, à une date restant à fixer.
« On pourrait dire que le gouvernement veut un Sénat monocolore », a déclaré Bamba Sindou, coordonnateur de la Poeci, la Plateforme des Organisations de la société civile pour l’Observation des Elections en Côte d’Ivoire.
L’opposition demande surtout une réforme de la Commission électorale indépendante (CEI) qu’elle accuse d’être en faveur du pouvoir, avant toute élection sénatoriale ou municipale mais surtout avant la présidentielle de 2020.
Le Sénat a été créé par la nouvelle Constitution de 2016, approuvée par référendum. Les conseillers municipaux et régionaux des actuelles mairies et régions ainsi que les députés constituent le collège électoral du scrutin au suffrage universel indirect qui s’est tenu dans chacune des 31 régions et 197 communes du pays. Le président Alassane Ouattara doit encore nommer 33 autres sénateurs.
L’opposition accuse le président Alassane Ouattara d’avoir succombé au « clientélisme » en créant ce Sénat qui, selon elle, sera « budgétivore ».
« Il n’y a que l’air qu’on respire qui est gratuit. On a besoin de ce Sénat qui va représenter les élus » et les collectivités locales, estime quant à lui Felicien Legré, conseiller municipal de Bingerville, membre de la coalition présidentielle, après avoir déposé son bulletin dans l’urne à Abidjan.
Le Sénat, « c’est le développement et la démocratie. Cela participe aussi à la cohésion, à l’union, à la paix entre les peuples. C’est une très bonne chose », assure Michel Loukou Kouadio, conseiller municipal à Bouaké.
Jeune Afrique