A une semaine du scrutin dont le premier tour est prévu dimanche prochain (24 février), le Sénégal entame la dernière ligne droite vers une Présidentielle où les électeurs auront à choisir, pour une première fois, leur Président parmi un nombre réduit de cinq candidats.
Sur une trentaine de postulants au départ, 22 ont en effet été recalés à l’étape du parrainage et deux autres, sous le coup de condamnations judiciaires, ont été écartés de la course.
Validée définitivement, le 20 janvier écoulé, par le Conseil constitutionnel, la liste des présidentiables comprend, outre le président sortant, Macky Sall, de la majorité présidentielle réunie autour de la coalition Benno Bokk Yakaar, l’ancien Premier ministre Idrissa Seck (Rewmi-opposition), Ousmane Sonko (Pastef/ Patriotes du Sénégal pour le Travail, l’Ethique et la Fraternité), l’ancien ministre des Affaires étrangères Madické Niang (dissident du Parti démocratique sénégalais/PDS) et le député Issa Sall (Parti de l’unité et du rassemblement/PUR).
Après deux semaines de campagne et en se référant aux parcours et aux référentiels de chacun des cinq candidats, la tendance de départ semble se confirmer et le finish de la dernière ligne droite sera décisif pour la course engageant un président sortant, parti favori, un « expérimenté » qui en est à sa troisième candidature, un « candidat révélation », un « outsider » et un proche des milieux confrériques religieux.
// Macky Sall, ou la voie de la continuité
Président de la coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY/ Unis pour le même espoir, en wolof), Macky Sall qui achève sur une bonne note son mandat de sept ans à la magistrature suprême du pays, semble à priori, entrevoir cette trajectoire électorale en toute sérénité et confiance.
Né en 1961 à Fatick, dont il fut maire de 2009 à 2012, il a occupé le poste de Premier Ministre de 2004 à 2007, de même qu’il était président de l’Assemblée nationale sénégalaise de 2007 à 2008. Il a également coiffé les postes de ministre des Mines, de l’Énergie et de l’Hydraulique (de 2001 à 2003), ministre d’État, ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, porte-parole du gouvernement (Août 2003 à avril 2004).
Lors de sa première participation à une élection présidentielle en 2012, Macky Sall, géologue de formation, a réussi à battre son ancien mentor Abdoulaye Wade, après être arrivé en deuxième position du premier tour, avec 26,58 % des voix contre 34,81 % pour le président sortant.
Dans l’entre-deux-tours, il réunit tous les candidats battus dans la coalition BBY et emporte le second tour avec 65,80 % des voix contre 34,20 %.
Aujourd’hui, candidat à sa propre succession et favori de cette présidentielle 2019, Macky Sall brigue un second mandat de 5 ans. Son principal atout, selon ses proches, c’est d’être le candidat sortant, « qui a fait ses preuves et qui n’a plus besoin de prêcher pour convaincre, vu son bilan très satisfaisant ».
Ce qui marque sa présidence est, certainement, le lancement en 2014 du Plan Sénégal émergent (PSE) : un vaste chantier d’infrastructures pour favoriser le développement économique.
// Idrissa Seck, le challenger expérimenté
Qualifié par les médias du « plus redoutable challenger » de Macky Sall, Idrissa Seck (59 ans), ancien Premier ministre d’Abdoulaye Wade, est un « expérimenté » qui en est à sa troisième candidature. Il est à la tête d’une des plus grandes coalitions (Idy-2019).
Face à Macky Sall, le leader du parti Rewmi (le pays en wolof/opposition) et candidat de la coalition « Idy2019 », veut coûte que coûte réussir sa troisième tentative après deux échecs en 2007 et 2012.
Homme d’affaires et consultant en « management », spécialisé en finance et stratégies de développement, Idrissa Seck a réussi, durant la campagne électorale à obtenir le soutien de l’ex maire de Dakar, Khalifa Sall, en prison dans le cadre de l’affaire de détournement de fonds de la mairie qu’il dirigeait et écarté de la course à la présidentielle.
Cette alliance est considérée, selon les observateurs, comme une véritable prouesse à mettre à l’actif d’Idrissa Seck, si l’on sait que la coalition menée par Khalifa Sall (Taxawu Senegaal) dispose d’une importante base électorale, notamment dans la capitale.
Toutefois, le candidat pourrait trébucher et voir ses chances compromises à cause de ses interprétations du Coran et sa position dans le conflit israélo-palestinien qui lui ont valu, il y a quelques mois, des salves de critiques de la part des différentes composantes de la société sénégalaise, sans oublier l’affaire dite des « chantiers » de Thiès, consistant en des accusations de surfacturation de travaux réalisés dans la ville dont il fut le maire.
//Ousmane Sonko, la voix des jeunes et du renouveau
A 45 ans, Ousmane Sonko, leader des Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF) est « le candidat révélation ». Il est le plus naturellement associé à une promesse de renouveau de l’action politique, à partir d’un discours étonnamment mobilisateur.
Inspecteur des impôts de formation devenu député après sa radiation de la fonction publique pour manquement au droit de réserve, Sonko est devenu au fil des mois l’une des figures majeures de l’opposition sénégalaise.
Le leader de PASTEF, dont la candidature est portée par une coalition de 16 organisations, est l’une des révélations du champ politique depuis 4 ans, du fait qu’il a réussi la prouesse d’être au centre des débats, ravissant la vedette à des figures qui ont dominé la vie politique sénégalaise ces dernières décennies.
Sonko qui se veut en rupture avec la vieille classe politique, compte beaucoup sur l’électorat jeune, et inscrit la défense des intérêts nationaux et la bonne gouvernance au cœur de son offre politique et milite pour une limitation des pouvoirs du chef de l’Etat. Il propose aussi le renforcement des pouvoirs et moyens de l’Assemblée nationale pour permettre à l’institution parlementaire de « mieux jouer son rôle de contrôle du gouvernement ».
// Madické Niang, le « plan B » qui s’émancipe
« Outsider », l’ancien ministre des Affaires étrangères Madické Niang (66 ans) est la surprise de la présidentielle 2019, selon les observateurs. Cacique du Parti démocratique sénégalais/PDS dont il assurait la présidence du groupe parlementaire à l’Assemblée nationale, celui qui ne devait être qu’un « plan B » qui pallierait à une éventuelle invalidation de la candidature du fils de leader du PDS, Karim Wade, a pris de court tout le monde en se portant candidat.
L’ancien président du groupe parlementaire « Liberté et Démocratie » a fini de convaincre les sceptiques sur ses capacités à s’émanciper d’une « tutelle pesante » incarnée par l’ancien président Abdoulaye Wade, avec lequel il a cheminé 34 ans durant.
Avocat de profession et de carrière, Madické Niang, promet notamment de mettre en place, une fois élu à la magistrature suprême, une nouvelle manière de gouverner à travers un rétablissement de la confiance entre la justice et les justiciables.
« Mon premier chantier sera de tout faire pour assurer l’indépendance de la justice », souligne-t-il, en espérant sans doute que ces engagements ne soient pas interprétés comme des esquives d’avocat.
// Issa Sall, à la quête de l’élargissement d’un électorat restreint
Quant au cinquième candidat, Issa Sall, il est le coordonnateur national du Parti de l’unité et du rassemblement/PUR, dont le président est Serigne Moustapha Sy, guide moral de la confrérie tidjane des Moustarchidines Wal Moustarchidaty. C’est à ce titre qu’il bénéficie du vote de cette communauté qui lui aurait permis d’arriver quatrième au niveau national aux Législatives de juillet 2017.
« Nous sommes le seul parti dont le candidat n’est pas le président », tient-il à faire remarquer, espérant déjouer les pronostics avec son programme qui s’articule autour du développement humain et de la réduction des inégalités.
La construction citoyenne et la valorisation culturelle, ainsi que la promotion d’une économie inclusive et durable portée par un secteur privé national « fort », sont également au programme de Issa Sall dont le plus grand défi sera de convaincre au-delà du cercle, très soudé mais restreint, de son électorat religieux habituel.
A quelques jours du scrutin de dimanche prochain, les cinq candidats qui ont encore jusqu’au 22 courant pour mener campagne, vont tout faire pour convaincre et faire vaincre la démocratie au Sénégal. L’enjeu est de taille, et les Sénégalais qui auront fait, d’ici là leur choix, passeront aux urnes pour élire, pour la onzième fois de l’Histoire du pays, leur Président.
MAP