Le président du Gabon depuis 2009, Ali Bongo, a été placé en résidence surveillée, ont annoncé ce 30 août 2023 des putschistes, à la télévision. Un des fils du chef de l’État sortant, Noureddin Bongo Valentin, a par ailleurs été arrêté, ont-ils ajouté. Un peu plus tôt ce mercredi, un groupe de militaires a déclaré sur la chaîne Gabon 24 l’annulation des résultats des élections générales qui donnaient la réélection d’Ali Bongo avec 64,27% des suffrages exprimés.
Le président Ali Bongo « est gardé en résidence surveillée. Il est entouré de sa famille et de ses médecins ». C’est ce que des militaires putschistes ont déclaré ce 30 août 2023, selon un communiqué lu à la télévision d’État par des membres de l’autoproclamé Comité de transition et de restauration des institutions (CTRI).
Ils affirment que plusieurs arrestations ont par ailleurs eu lieu dans l’entourage d’Ali Bongo, notamment celle de son fils Noureddin Valentin. Les militaires annoncent une enquête ouverte contre ces personnes pour « haute trahison contre les institutions », « détournement massif des deniers publics », « malversation financière internationale en bande organisée », « faux et usage de faux », « falsification de la signature du président », « corruption active », et enfin « trafic de stupéfiants ».
Les autres interpellés sont l’ancien directeur de cabinet de Nourredine Bongo, qui s’appelle Ian Ghislain Ngoulou, Mohamed Ali Saliou, directeur de cabinet adjoint du président Bongo lui-même et son frère Abdoul Océni. Ces deux hommes sont en fait les fils d’Ismaël Oceni Ossa, le président du Conseil supérieur des affaires islamique du Gabon. Dans la liste, il y a aussi Jessye Ella Ekogha, le porte-parole de la présidence, Steeve Nzegho Dieko, le Secrétaire général du PDG, le parti présidentiel, Cyriaque Mvouradjiami, directeur de cabinet politique d’Ali Bongo. Et le communiqué se termine en disant que tous ceux qui sont sur la liste « répondront de leurs actes ».
Une scène de liesse célébrant le général Brice Clotaire Oligui Nguema
En plus de ces déclarations, une autre séquence est régulièrement diffusée sur la chaîne d’information Gabon 24 : celle de scènes de liesse de militaires de la garde républicaine, chargée d’assurer notamment la sécurité de la présidence, qui portent en triomphe leur chef, le général Oligui Nguema.
Brice Clotaire Oligui Nguema est une des figures qui émergent, ce mercredi. Ce général est depuis deux ans le chef de la garde républicaine, la GR, l’unité d’élite censée protéger le président Bongo. Fils d’officier, formé à l’Académie royale militaire de Meknès au Maroc, il a même été l’un des aides de camp d’Omar Bongo, l’ancien président et père du chef de l’État actuel et ce jusqu’à sa disparition en juin 2009…
L’officier a accordé ce matin une interview au journal Le Monde, disant qu’il ne se déclarait pas encore président, et n’envisageait rien pour l’instant. « C’est un débat que nous allons avoir avec l’ensemble des généraux. Nous allons nous retrouver à 14 heures. Il s’agira de dégager un consensus. Chacun va émettre des idées et les meilleures seront choisies, ainsi que le nom de celui qui va conduire la transition », a déclaré le général.
!Une autre vidéo circule sur Internet depuis ce matin. Elle dure moins d’une minute, elle n’est pas encore authentifiée mais on y voit ce qui semble être Ali Bongo assis, s’exprimant en anglais. Il dit se trouver à sa résidence et que « rien ne se passe ». Il ajoute ne pas savoir où se trouvent sa femme et son fils et déclare « envoyer un message à tous les amis dans le monde pour faire du bruit ». Et il répète plusieurs fois, « faites du bruit », « faites du bruit ».
Dissolution des institutions et fermeture des frontières annoncées
Le Gabon est plongé en pleine incertitude ce 30 août 2023. Le président du Centre gabonais des élections (CGE) a annoncé à la télévision la victoire du président Ali Bongo avec 64,27% des suffrages. Puis, quelques minutes plus tard, un groupe de militaires est apparu sur Gabon 24 – dont les studios sont dans la présidence – pour annoncer la fin du régime en place, l’annulation des élections et la dissolution des institutions de la République. Ces hommes disent faire partie des forces de sécurité. Ils déclarent être réunis au sein du CTRI.
Selon leur déclaration, l’organisation des élections n’a pas rempli « les conditions d’un scrutin transparent, crédible et inclusif ». Les putschistes parlent même de « résultats tronqués ». Ils appellent les populations au calme et à la sérénité. Les autres mesures annoncées : la dissolution des institutions, la fermeture des frontières.
Un syndicaliste de transporteurs camerounais joint par Amélie Tulet, journaliste à RFI, affirme que la frontière est hermétiquement fermée depuis ce matin au poste-frontière de Kyé-Ossi, dans le sud du Cameroun. Les transactions continuent au niveau informel, au niveau des pistes, car dans cette zone forestière aux confins du Cameroun / Gabon / Guinée équatoriale, la frontière est poreuse. Mais au poste-frontière officiel de Kyé-Ossi, plus aucun camion ne passe, selon Hillaire Dzipan, conseiller spécial du Syndicat national des transporteurs routiers du Cameroun.
Sur le site de surveillance aérienne spécialisé Flightradar24, on ne voit aucun décollage et atterrissage dans les différents aéroports du pays.
En fin de matinée, une situation plutôt calme à Libreville
En fin de matinée, à Libreville, la situation est plutôt calme. Des véhicules militaires circulent dans les rues. À leur passage, on constate des manifestations de joie, tandis que les soldats, eux, saluent de la main. Mais rien ne permet de dire dans leur attitude s’ils sont proches des putschistes. Le réseau internet est en train d’être rétabli, réseau coupé depuis le 26 août en fin de journée, jour des élections générales dans le pays.
Du côté de la principale coalition d’opposition, Alternance 2023, qui revendique toujours la victoire de son candidat Albert Ondo Ossa à la présidentielle de samedi, on observe. Selon un responsable, les réunions prévues ce mercredi matin ont été annulées, et les différents leaders sont en sécurité.
La Chine appelle à « garantir la sécurité personnelle d’Ali Bongo »
Dans les heures qui ont suivi la lecture du communiqué par les putschistes, les réactions internationales se sont multipliées.
Le ministère chinois des Affaires étrangères a ainsi invité les « parties concernées à résoudre pacifiquement leurs différends par le dialogue ainsi qu’au retour immédiat à l’ordre normal et à garantir la sécurité personnelle d’Ali Bongo », qualifié de « vieil ami » par le président Xi Jinping, lors d’une visite en Chine en avril.
La Russie, elle, parle d’un « sujet de profonde préoccupation », tandis que l’Italie souhaite « une solution diplomatique au Gabon, en étroite coordination avec ses partenaires ».
Josep Borrell, le haut représentant de l’Union Européenne pour les Affaire étrangères parle d’un coup « qui accroîtra l’instabilité dans toute la région ». Selon lui, les 27 États de l’UE devraient par ailleurs réfléchir « à comment améliorer leur politique à l’égard des pays de la zone ».
Le Commonwealth, que le Gabon a rejoint l’an dernier, évoque pour sa part « des informations profondément préoccupantes concernant la prise de pouvoir illégale ».
En France, plusieurs réactions également. Rapidement, la Première ministre Elisabeth Borne a expliqué que la France suit « avec la plus grande attention » la situation. « La France condamne le coup d’État militaire en cours » a complété peu après le porte-parole du gouvernement avant de « rappeler son attachement à des processus électoraux libres et transparents ».
rfi