Figure clé qui a contribué à la victoire à la présidentielle de Bassirou Diomaye Faye au Sénégal, Ousmane Sonko a été nommé, mardi, Premier ministre. Visage de l’opposition à Macky Sall, engagé contre la corruption, il aura été visé par plusieurs affaires judiciaires au fil des dernières années avant d’être libéré de prison trois semaines avant le scrutin.
Il était l’un des principaux visages de l’opposition au président Macky Sall avant de devenir un élément clé de l’élection de Bassirou Diomaye Faye à la présidence du Sénégal. À bientôt 50 ans, Ousmane Sonko a été nommé, mardi 2 avril, Premier ministre – symbole du « changement systémique », de la souveraineté et de l’apaisement promis par le nouveau chef de l’État. Car pendant longtemps, il est apparu pour certains comme le héraut de la lutte pour le peuple et contre les élites corrompues, pour d’autres comme un agitateur incendiaire.
Après trois années d’affaires judiciaires qualifiées de « complot » politique par Ousmane Sonko et une candidature à la fonction suprême rejetée en début d’année par le Conseil constitutionnel, l’opposant avait été libéré de prison le 14 mars soit 10 jours avant la présidentielle. Le temps de prendre part de manière active à la campagne de son numéro 2, Bassirou Diomaye Faye. Il aura ainsi arpenté sa région d’origine, la Casamance, pour appeler à voter pour son allié et lui faire profiter de sa popularité.
De fonctionnaire du fisc à figure de premier plan
Pourtant, il y a quelques années, le nouveau Premier ministre était encore inconnu de la scène politique sénégalaise. Ousmane Sonko est né le 15 juillet 1974 à Thiès, à 70 kilomètres à l’est de Dakar. Fils de parents fonctionnaires, il grandit en Casamance et part faire ses études supérieures à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis, où il obtient sa maîtrise en droit public en 1999. Deux ans plus tard, il sort major de sa promotion à l’École nationale d’administration (ENA) du Sénégal et débute sa carrière comme inspecteur des impôts.
Après trois années passées dans l’administration, il crée le Syndicat autonome des agents des impôts et domaines (SAID). En 2014, il se lance en politique avec la création de son propre parti, le Pastef (Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité).
En 2016, il est propulsé sur le devant de la scène lorsqu’il accuse l’État de fraudes fiscales et de corruption en s’appuyant sur son expérience en tant qu’inspecteur. Le fonctionnaire dénonce notamment des détournements de fonds publics ou des avantages fiscaux perçus de manière indue par des personnalités du pouvoir. Il publie « Pétrole et gaz au Sénégal – Chronique d’une spoliation » (éd. Fauves) dans lequel il dénonce la gestion des ressources naturelles du pays par le président et son entourage.
Il est alors radié de la fonction publique pour « manquement au devoir de réserve « par un décret présidentiel. « C’est véritablement à cette époque qu’il devient une figure de premier plan », relate Babacar Ndiaye, directeur des recherches et des publications du cercle de réflexion Wathi, basé à Dakar.
Figure d’une jeunesse en quête de changement
Élu député en 2017, il se montre à l’aise sur les plateaux de télévision et souriant lors de rencontres avec les militants. Ousmane Sonko sait utiliser des phrases choc et s’oppose au récit officiel d’un Sénégal « sur la voie de l’émergence », promesse du président Macky Sall.
En 2019, il se lance dans la course à l’élection présidentielle. Son discours séduit la jeunesse. « Il s’adresse aux jeunes avec des propos en faveur de la souveraineté économique, du patriotisme, tout en critiquant la gouvernance de l’État », poursuit Babacar Ndiaye. « Il est arrivé avec un discours de changement et cela a rencontré une forme d’adhésion des jeunes. » Et surtout, il n’est pas un « politicien ». Mais ses détracteurs lui reprochent son manque d’expérience et ses discours fracassants.
Le 24 février 2019, il termine à la troisième place de la présidentielle avec 15,67 % des voix, derrière le président sortant Macky Sall et l’ancien Premier ministre Idrissa Seck.
Les affaires judiciaires, une « épée de Damoclès »
Mais en 2021, Ousmane Sonko se retrouve au cœur d’une bataille judiciaire qui bouscule ses ambitions politiques. En février, l’opposant est accusé de viols et de menaces de mort par Adji Sarr, une employée d’un salon de beauté. Il nie les faits et dénonce alors une manœuvre politique. Son arrestation provoque de violents affrontements entre ses soutiens et la police. La vague de contestation est d’une ampleur inédite pour ce pays d’Afrique de l’Ouest réputé pour sa stabilité. Libéré sous contrôle judiciaire en mars 2021, Ousmane Sonko se dit victime « d’un complot d’État » initié par des proches du président Macky Sall.
À ce moment là, cela n’empêche pas Ousmane Sonko de poursuivre son ascension en politique. En 2022, il est élu maire de Ziguinchor, en Casamance, après avoir constitué la coalition Yewwi Askan Wi – YAW, Libérons le peuple en wolof – avec plusieurs membres de l’opposition, dont l’ancien maire de Dakar Khalifa Sall.
As des réseaux sociaux, il s’exprime très régulièrement en live sur sa page Facebook pour toucher une large frange de la population sénégalaise, rendant le reste de la classe politique et ses méthodes de communication ringardes.
Mehdi Ba, qui l’a interviewé à deux reprises pour Jeune Afrique au cours des dernières années, le décrit comme un « souverainiste de gauche ». Le journaliste s’explique : « La tonalité de son discours politique est plutôt de gauche – même si la subdivision droite – gauche n’a pas cours au Sénégal – et à la fois souverainiste, puisqu’il met en avant les intérêts du Sénégal au niveau international et ceux du peuple au niveau national ».
Dans l’ombre de Bassirou Diomaye Faye
En août 2022, il se porte candidat pour la prochaine présidentielle en février 2024. Une élection qu’il serait en mesure de remporter, estime alors Nicolas Normand, ex-ambassadeur de France à Dakar. Mais son ascension politique se trouve stoppée nette le 1er juin 2023. Ousmane Sonko est condamné à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse » – une sentence qui, selon le Code électoral, entraîne son inéligibilité.
Une nouvelle vague de protestation déferle sur le pays, faisant neuf morts le 1er juin. Pendant plusieurs semaines, les partisans de l’opposant %descendent dans les rues et des troubles éclatent à Dakar et dans plusieurs villes. La figure de l’opposition est ensuite arrêtée et poursuivie, entre autres, pour « appel à l’insurrection » et « complot contre l’autorité de l’État ». Une réaction à ses discours et participations aux manifestations depuis 2021.
En juillet 2023, son parti est dissous et sa candidature à l’élection présidentielle officiellement invalidée début 2024. Le visage de l’opposition est définitivement écarté de la course à la fonction suprême. Mais c’est avec son appui que Bassirou Diomaye Faye est désigné candidat à sa place, avec un slogan : « Ousmane mooy Diomaye » (« Ousmane, c’est Diomaye »). Il faut dire que les deux hommes ont des points communs : ils sont passés par l’ENA et l’inspection des impôts, puis l’action syndicale et la direction du Pastef. Et si Bassirou Diomaye Faye est alors lui aussi en prison, la candidature du détenu est, elle, validée par le Conseil constitutionnel.
Le 14 mars, après des semaines de crise autour du report de l’élection présidentielle, initialement prévue le 25 février, et une loi d’amnistie, les deux hommes sont finalement libérés, à temps pour une campagne électorale précipitée. Le 2 avril, Bassirou Diomaye Faye est ainsi officiellement devenu le plus jeune président du pays ouest-africain moins de trois semaines après être sorti de prison.
En juillet 2023, son parti est dissous et sa candidature à l’élection présidentielle officiellement invalidée début 2024. Le visage de l’opposition est définitivement écarté de la course à la fonction suprême. Mais c’est avec son appui que Bassirou Diomaye Faye est désigné candidat à sa place, avec un slogan : « Ousmane mooy Diomaye » (« Ousmane, c’est Diomaye »). Il faut dire que les deux hommes ont des points communs : ils sont passés par l’ENA et l’inspection des impôts, puis l’action syndicale et la direction du Pastef. Et si Bassirou Diomaye Faye est alors lui aussi en prison, la candidature du détenu est, elle, validée par le Conseil constitutionnel.
Le 14 mars, après des semaines de crise autour du report de l’élection présidentielle, initialement prévue le 25 février, et une loi d’amnistie, les deux hommes sont finalement libérés, à temps pour une campagne électorale précipitée. Le 2 avril, Bassirou Diomaye Faye est ainsi officiellement devenu le plus jeune président du pays ouest-africain moins de trois semaines après être sorti de prison.
Dans une brève allocution, il s’est dit « conscient » que sa large victoire dès le premier tour de la présidentielle du 24 mars exprimait « un profond désir de changement systémique ». « Le Sénégal sous mon magistère sera un pays d’espérance, un pays apaisé avec une justice indépendante et une démocratie renforcée », a-t-il dit. Ousmane Sonko était au premier rang.
France 24