Le transit des marchandises des pays sans littoral vers les pays disposant d’une façade maritime est une véritable valeur ajoutée pour ces pays de transit, en ce sens qu’il impacte toute la chaine logistique de transport et de transit.
Les pays sans littoral dépendent de ports étrangers pour l’exportation et l’importation de leurs biens. Les pays à façade maritime peuvent proposer des solutions logistiques plus efficaces, réduisant ainsi les coûts de transport et facilitant l’accès aux marchés mondiaux.
En devenant le port de transit pour ces pays enclavés, le port de Conakry pourrait tirer les dividendes suivants :
- Augmentation des revenus portuaires à travers les frais de transit (des droits de douane, des frais de manutention et des taxes sur les marchandises en transit) ;
- Services logistiques (les services de stockage, de transport et de distribution) ;
- Création d’emplois : les emplois directs dans les secteurs du transport, de la manutention et de la gestion des marchandises sans occulter les emplois indirects dans les secteurs connexes comme l’hôtellerie, la restauration et ces services, bénéficient également de l’augmentation de l’activité économique ;
- Développement des infrastructures (investissement dans l’expansion et la modernisation des ports afin d’améliorer leur capacité logistique ;
- Amélioration des réseaux de transport (développement des installations de stockage et les infrastructures, notamment les routes, les voies ferrées, les pipelines pour faciliter le transit) ;
- Renforcement des relations de coopération (coopération régionale, accords commerciaux) ;
- Développement des compétences locales (Formation, expertise, transfert de technologie).
Malgré ces innombrables avantages à devenir un hub de transit pour les pays sans façade maritime, force est de constater que le port de Conakry, n’est pas assez compétitif pour conquérir des parts de marché des pays enclavés de l’Afrique de l’Ouest sans façade maritime.
Le rapport 2024 des Entrepôts Maliens en Guinée (EMAGUI) relèvent les données ci-après :
- Importations des marchandises : 116 670T en 2024 contre 97 532T en 2023 soit une hausse de 19,62% ;
- Exportations des marchandises : 17 988T en 2024 contre 22 528T en 2023 soit une diminution de 20,15%.
Ces statistiques sont révélatrices de la faiblesse notoire du transit du fret malien en Guinée, pourtant sur le plan politique, le Mali et la Guinée sont souvent qualifiés de « deux poumons d’un même corps ». Cette assertion devrait également se matérialiser sur le plan économique, car l’économie est le socle de la politique, comme pour dire « fait moi une bonne économie, je te ferai une bonne politique ».
Pour pallier cette situation, les décideurs politiques des deux pays et l’ensemble des acteurs de la chaine de valeurs le long du corridor Conakry-Bamako doivent s’impliquer activement en faisant en sorte que nous puissions affirmer dans un horizon proche « Mali, Guinée deux pays un seul port ».
Ces dernières années, force est de reconnaitre que d’énormes efforts ont été consentis pour la modernisation du Port de Conakry, toute chose qui le confère des avantages comparatifs évidents par rapport aux autres ports concurrents, notamment :
- L’effet frontière et l’effet distance : le port de Conakry est seulement à 991 km de Bamako, alors que le Port d’Abidjan se situe 1052 km et celui de Dakar est à 1303 ;
- Classement des Ports: Selon la Banque Mondiale et l’agence Standard and Poor, le Port de Conakry occupe le premier rang en Afrique de l’Ouest et au 197 rang mondial, alors qu’au même moment les ports concurrents d’Abidjan et de Dakar sont respectivement à 318 et à 381 rang mondial ;
- L’Etat des routes: le corridor Conakry-Bamako est en parfait état et la tracasserie le long de ce corridor a fortement baissé.
Ces avancées significatives doivent permettre au port de Conakry de conquérir des parts de marchés, mais malheureusement à date il capte moins de 5% du fret malien, selon le président des transitaires maliens en Guinée. À rappeler que même pendant l’embargo que la CEDEAO avait imposé au Mali en 2022, le Port de Conakry n’a réussi à drainer que 20% du fret malien. Cela voudrait dire que l’essentiel du fret malien transite par les ports concurrents de Dakar, d’Abidjan, d’Accra, de Lomé ou de Cotonou.
Cette situation est littéralement contre intuitif et à contre-courant de ce que l’on pourrait s’attendre au regard de la gestion efficiente de notre port et des partenariats stratégiques qu’il a noué avec des concessionnaires de renommée internationale comme Albayrak, Boloré et tant d’autres.
Il est alors logique de se poser des bonnes questions, en explorant des voies et moyens d’amélioration de ces contreperformances afin de transformer le port de Conakry en un hub maritime sous-régionale.
Plusieurs écueils entravent l’accroissement du transit malien au Port de Conakry, notamment :
– La cherté du fret maritime (1000 dollars de différence par container par rapport aux ports concurrents) ;
– La faiblesse de la période de franchise (17 jours maximum à Conakry, contre 25 jours au port de Dakar), notons que ce même port de Dakar est relié à Bamako par la voie ferrée.
En conclusion, une collaboration accrue entre un pays disposant une façade maritime et les pays sans littoral pourrait générer des bénéfices mutuels, tant sur le plan économique que politique, avec un impact positif à long terme pour les deux parties, la Guinée gagnerait à positionner le Port de Conakry comme port naturel du fret malien, les autorités portuaires guinéens doivent user de tous les subterfuges pour réussir ce défi à portée de main.
Abdoulaye GUIRASSY, Economiste Politologue, membre correspondant de l’Académie des Sciences de Guinée, Chargé de Cours d’économie monétaire et Président du Cercle de réflexion et d’Analyse de la Conjoncture Economique (CRACE).
Be the first to comment on "Port de Conakry, port naturel pour le fret malien (Par Abdoulaye GUIRASSY, économiste)"