Les Lions indomptables A’ affrontent mardi 16 janvier le Congo pour leur premier match du CHAN 2018 dans le stade d’Agadir. A leur tête, le coach Rigobert Song, qui vivra ses grands débuts dans une compétition continentale après avoir été victime d’un accident vasculaire cérébral et de long mois de convalescence. Rencontre avec un des anciens joueurs les plus importants du Cameroun.
De notre envoyé spécial au Maroc,
La nuit est tombée sur Agadir, la fraîcheur s’est installée. Emmitouflé dans sa parka jaune, bonnet vissé sur la tête et mains au chaud dans les poches, Rigobert Song supervise le dernier gros entraînement des Lions indomptables A’, deux jours avant de vivre son premier match officiel depuis son retour dans le football.
Le lendemain matin, dans son hôtel, les yeux encore plein de sommeil, l’ancien international, qui a vécu quatre Coupes du monde, remporté deux Coupes d’Afrique des nations, nous reçoit. « Vous avez pris votre petit déjeuner ? », lâche avec discrétion l’homme aux dreadlocks.
60 kilos et des jambes qui ne le portaient plus
Rigobert Song, 42 ans, revient de loin. Aujourd’hui, on lui tape sur l’épaule, on lui demande comment il va et lui sourit : joyeux d’être encore en vie. Octobre 2016, il s’effondre chez lui alors qu’il est assis tranquillement devant son poste de télévision. Un AVC accompagné d’une rupture d’anévrisme a failli lui être fatal. Celui qui a porté pendant 17 ans le maillot des Lions prend désormais la vie « comme elle vient ».
D’abord pris en charge à Yaoundé, puis transféré à Paris à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, l’ancien défenseur de Metz et de Lens avait été placé dans le coma. A son réveil, il ne pesait que 60 kilos et ses jambes ne le portaient plus. S’il a touché l’autre côté de la rive, il a refusé obstinément de s’y installer. « Je me suis battu pour rester en vie. Je ne pouvais pas quitter ceux qui priaient pour moi. Je me suis dit que ce n’était pas mon heure. »
Le temps a passé, Rigobert Song s’est refait une santé, sa passion du football est intacte. « Je suis toujours dans l’esprit d’un compétiteur. Je ne suis plus sur le terrain, mais j’ai le même état d’esprit, dit celui qui a redouté de possibles séquelles. Avant, je partageais ma vie avec mes coéquipiers. Aujourd’hui, je transmets mon vécu aux joueurs. Je suis fier d’être de retour et de poursuivre mes activités grâce au soutien de ma fédération et du peuple camerounais. Je dois rendre ce qu’il m’ont donné. »
« Notre collectif doit être fort »
Au Maroc, Rigobert Song compte bien se mettre la pression. Ce CHAN, il faut « le prendre au sérieux » pour continuer à faire avancer le football africain. Le Cameroun a toujours été stoppé en quarts de finale de la compétition. « Je veux démontrer qu’il y a une progression et j’espère que ma présence va servir. Joueur, je n’étais pas le plus fort, ni le plus doué, mais j’avais le don de rassembler les gens », raconte-t-il modestement. Tout en ajoutant : « L’année dernière au Gabon, personne n’attendait le Cameroun (champion d’Afrique, ndlr). Notre peuple a souvent trouvé les ressources nécessaires pour se transcender. Notre collectif doit être fort. »
Ce métier d’entraîneur, Rigobert Song l’a fait un peu fait par hasard. Après sa carrière de joueur, il est resté à la maison pour s’occuper des enfants. Mais l’inactivité, ce n’était pas son fort. Joël Muller président du syndicat des entraîneurs de football en France de 2001 à 2016 l’incite à devenir coach et Song retourne sur les bancs de l’école à Clairefontaine. Il retrouve entre autres Zinédine Zidane et Claude Makelele.
Aliou Cissé et Hervé Renard comme modèles
Aujourd’hui, Rigobert Song a pour modèles Aliou Cissé, le coach du Sénégal et Hervé Renard qui entraîne le Maroc. « Ce sont mes idoles ! Je les appelle souvent et je leur demande des conseils ». Si les joueurs locaux rêvent tous les jours de briller au plus haut niveau, lui pense aussi à son avenir. Pourrait-il se dessiner avec l’équipe A ? Rigobert Song ne veut pas confondre vitesse et précipitation et comme le dit le proverbe : « Tout vient à point à qui sait attendre ».
« Si l’occasion se présente, je ne dirais pas non. Mais je dois démontrer que j’en suis capable. Avoir été joueur ne veut pas dire que vous allez forcément devenir un bon entraîneur. Ce n’est pas aussi simple. Je veux d’abord faire mes preuves avec les A’ », dit celui qui a joué sa première Coupe du monde à 17 ans aux côtés de l’illustre Roger Milla.
Fervent croyant, Rigobert Song demande chaque jour à Dieu de lui donner « l’énergie d’accomplir » son devoir quotidien. L’entretien touche à sa fin, après quelques secondes de silence, son visage s’illumine à nouveau.
rfi