Manuel Valls continue à défier François Hollande. En assurant dans Le Journal du Dimanche qu’il se « prépare » et est « prêt » au « face-à-face » avec la droite, le Premier ministre, qui faisait de la loyauté sa marque de fabrique, a franchi un pas de plus dans la guerre psychologique livrée depuis plusieurs semaines au président de la République.
Surtout, il n’exclut pas, pour la première fois publiquement, d’affronter le chef de l’État à la primaire du Parti socialiste les 22 et 29 janvier, un scrutin auquel il a pourtant longtemps été hostile.
Hérésie institutionnelle
À ses yeux, « le contexte a changé », sous-entendu en défaveur du chef de l’État, qui doit dire d’ici au 15 décembre – date limite du dépôt des candidatures à la primaire du PS – s’il brigue, comme en sont persuadés certains de ses proches, un second mandat.
Manuel Valls a ainsi emboîté le pas de son désormais « ami » Claude Bartolone qui, toujours aussi en colère contre François Hollande après ses confidences peu amènes sur lui aux journalistes du Monde (dans « Un président ne devrait pas dire ça ») , a joué samedi les trouble-fête lors d’un rassemblement « rouge-rose-vert » organisé par Martine Aubry. Il a ainsi plaidé pour un « électrochoc », avec une primaire incluant Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron, François Hollande… et le chef du gouvernement.
Un président de la République et son Premier ministre concourant dans la même compétition ? Une hérésie institutionnelle aux yeux de beaucoup. « Irresponsable, pas crédible », a aussi dénoncé le député PS pro-Hollande Kader Arif.
« On est arrivé à un point où il est temps de se rassembler et de cesser les débats qui nous minent entre nous », a ainsi réagi sur Europe 1, le ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll. « Il n’y aura pas de primaire entre le président de la République et son Premier ministre », a-t-il ajouté.
Le chef de l’État n’a-t-il pas lui-même bousculé les règles en se disant dès juin prêt à en passer par la case primaire ? Une situation là aussi totalement inédite pour un président sortant, soulignent d’autres.
Rumeurs sur une démission de Valls
Dans la soirée, les rumeurs sur une très prochaine démission de Valls ont agité la twittosphère. « Valls déjeunera comme prévu lundi avec Hollande avant d’aller en Tunisie », se sont empressés de démentir de concert auprès de l’AFP les entourages des deux hommes.
Un ministre proche de Manuel Valls semblait d’ailleurs tempérer les ardeurs de certains vallsistes prêts au « putsch » : « Une candidature de Hollande et de Valls, c’est peu probable. Valls est équilibré, il n’est pas dans un tout ou rien », sous-entendu contrairement à Emmanuel Macron, qui a claqué la porte du gouvernement fin août. « Maintenant, lâche aussitôt ce même ministre, ce serait mieux pour tout le monde si le président renonçait et laissait Valls y aller ».
« Hollande, renoncer ? C’est mal connaître l’animal politique qu’il est. Tout le monde a compris que Valls voulait le pousser dehors, mais le président ne se laissera influencer par personne. Et puis, si Valls y va, il n’est plus Premier ministre », rétorque un ministre hollandais.
Emmanuel Macron n’a pas manqué lui d’ironiser sur le fait que Valls était « déjà allé trop loin » et devait « prendre ses responsabilités ». « On ne peut pas être à la fois Premier ministre et candidat à la primaire », a renchéri Arnaud Montebourg, qui se verrait bien affronter Hollande à la primaire.
« Valls bluffe et ne passera pas à l’acte », veut croire un autre hollandais, en soulignant que « ce qui a fait la force de Fillon, c’est aussi qu’il n’a jamais trahi Sarkozy à Matignon, même s’il a rongé son frein ».
Le sondage Harris Interactive publié dimanche soir pourrait calmer les ardeurs de Valls, qui ne ferait pas mieux (9 %) que Hollande au premier tour de la présidentielle s’il était le candidat PS.
Avec AFP