Emmanuel Macron a achevé sa tournée en Afrique, jeudi, en Guinée-Bissau, où il a rencontré le président Umaro Sissoco Embalo, pour parler notamment de la sécurité au Sahel. Le président français a dénoncé « l’agression unilatérale caractérisée » de la Russie en Ukraine. La veille, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, achevait lui aussi une mini-tournée dans plusieurs pays africains, lors de laquelle il a fustigé l’attitude des occidentaux.
« Le président bissau-guinéen s’était déplacé à l’Élysée en octobre dernier, Emmanuel Macron avait alors déclaré que la visite de son homologue témoignait d’un renouveau de la relation entre Paris et Bissau », explique notre envoyée spéciale Charlotte Urien-Tomaka. « La Guinée-Bissau est un pays lusophone entouré de pays francophones, et Umaro Sissoco Embalo souhaite un rapprochement [avec la France]. »
Lors de de la conférence de presse avec son homologue, le président français a, à nouveau, fustigé la Russie, qualifiant la guerre en Ukraine « d’agression unilatérale caractérisée » de la part de Moscou.
« Aujourd’hui, sur le sol européen, la seule puissance qui conteste l’intégrité territoriale et la souveraineté d’un peuple c’est la Russie », a-t-il assené.
Emmanuel Macron a également estimé que la complicité « de fait » entre la junte malienne et le groupe russe Wagner était inefficace pour lutter contre le terrorisme.
« Force est de constater que les choix faits pas la junte malienne aujourd’hui et sa complicité de fait avec la milice Wagner sont particulièrement inefficaces pour lutter contre le terrorisme », a-t-il affirmé, alors que la pays a été touché ces derniers jours par une vague d’attaques terroristes de grande ampleur.
La veille, au Bénin – un ancien pays colonisé par la France –, Emmanuel Macron a accusé la Russie d’être « l’une des dernières puissances impériales coloniales » et de mener une nouvelle forme de « guerre hybride » dans le monde.
Le président français ne cesse de hausser le ton contre la politique de Vladimir Poutine, en affirmant que « quand on dit les choses et qu’on essaie de les qualifier […] on se donne les moyens [de peser sur les évènements] ». Depuis son arrivée en Afrique, il a ainsi multiplié les critiques envers Moscou alors que, dans le même temps, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, était également en tournée africaine pour affirmer son attachement au continent.
« La Russie est l’une des dernières puissances impériales coloniales, [en décidant] d’envahir un pays voisin [l’Ukraine] pour y défendre ses intérêts », a affirmé Emmanuel Macron lors d’une conférence de presse avec son homologue béninois, Patrice Talon, à Cotonou. « Je parle sur un continent [l’Afrique] qui a subi les impérialismes coloniaux », a-t-il tenu à souligner.
À Yaoundé puis à Cotonou, le président français a cherché à mettre en garde les capitales africaines contre le « nouveau type de guerre mondiale hybride » que mène Moscou, qui « a décidé que l’information, l’énergie et l’alimentation étaient des instruments militaires mis au service [de la guerre en Ukraine] ».
Mardi , il avait dénoncé sans ambages « l’hypocrisie », entendue « en particulier sur le continent africain », consistant à ne pas reconnaître clairement que la Russie menait « une agression unilatérale [en Ukraine], parce qu’il y a des pressions diplomatiques ».
Répondant à distance, Sergueï Lavrov a affirmé en Ouganda que la Russie n’était pas responsable des « crises de l’énergie et des denrées alimentaires », dénonçant « une campagne très bruyante autour de cela ».
La Russie est également ciblée par Emmanuel Macron pour son activisme en Afrique, notamment par l’intermédiaire du sulfureux groupe paramilitaire Wagner, qui vient, selon lui, « en soutien soit à des pouvoirs politiques affaiblis qui ont du mal à s’assumer soit à des juntes illégitimes », en Centrafrique et au Mali.
Paris et le nouveau « partenariat gagnant-gagnant »
A contrario, le président français promeut sa nouvelle vision des relations entre la France et l’Afrique, en présentant le Bénin comme l’un des pays tests de cette volonté d’établir un « partenariat gagnant-gagnant ». Les relations avec Paris « sont décomplexées et débarrassées des pesanteurs du passé », s’est félicité le président béninois, en ne cachant pas la complicité établie avec son homologue français.
Le principal facteur de cette embellie est lié à la restitution au Bénin par la France de 26 œuvres des trésors royaux d’Abomey (sud), capitale du Royaume du Dahomey, qui avaient été pillées en 1892 par les troupes coloniales françaises. « Ces restitutions ont changé l’image de la France, en montrant qu’il était possible d’établir une relation d’égal à égal et de dissiper le sentiment des Béninois que les Français avaient toujours un complexe de supériorité », explique José Pliya, conseiller de Patrice Talon pour le patrimoine.
Après avoir visité l’exposition de ces trésors à Cotonou, Emmanuel Macron a assuré que ce processus allait continuer alors que les Béninois souhaiteraient le retour au pays d’autres œuvres symboliques, comme la sculpture du Dieu Gou, détenue par le musée du Louvre.
Critiqué pour avoir choisi de visiter le Cameroun, dirigé depuis quarante ans par le président Biya, et le Bénin, accusé de dérives autoritaires, Emmanuel Macron est resté silencieux sur la question des droits humains et la défense de la démocratie lors d’une conférence de presse conjointe avec le président béninois.
Cependant, durant sa visite, la justice béninoise a ordonné la remise en liberté de 30 opposants arrêtés pendant la présidentielle d’avril 2021 qui avait été émaillé de violences.
Outre une crise politique, le Bénin fait face à la multiplication d’attaques jihadistes dans le nord, à la frontière avec le Burkina Faso et le Niger. Lors de cette visite, le président Français a affirmé que la France serait « toujours en soutien » du Bénin pour sa sécurité, notamment en matières de renseignements et d’équipements.
Moscou et le choix de « l’univers (dans lequel) nous allons vivre »
En déplacement en Éthiopie, mercredi, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a appelé pour sa part les pays en développement, notamment africains, à ne pas soutenir un monde régi par les États-Unis, les avertissant qu’ils pourraient être les prochains à subir les foudres américaines.
« C’est à nous de décider si nous voulons un monde où un Occident […] totalement inféodé aux États-Unis […] estime qu’il a le droit de décider quand et comment promouvoir ses propres intérêts sans respecter le droit international », a déclaré Sergueï Lavrov. Il s’adressait à un parterre de diplomates majoritairement africains à l’ambassade de Russie en Éthiopie, dernière étape d’une mini-tournée africaine qui l’a aussi conduit en Égypte, au Congo-Brazzaville et en Ouganda.
Lors de son séjour d’une vingtaine d’heures à Addis Abeba, siège de l’Union africaine (UA), Sergueï Lavrov s’est notamment entretenu avec son homologue éthiopien, Demeke Mekonnen, également vice-Premier ministre.
Selon le chef de la diplomatie russe, « nous traversons une période historique très importante. Une période où nous déciderons tous dans quel univers nous allons vivre, pour nos enfants et nos petits-enfants : un univers basé sur la charte des Nations unies […] ou un monde où domine le droit basé sur la force, la loi du plus fort ».
Il a nié que la Russie, du fait de son intervention en Ukraine, soit responsable de l’actuelle flambée des prix alimentaires et de l’énergie, durement ressentie en Afrique, invoquant notamment la pandémie de Covid-19 et les politiques de transition énergétiques aux États-Unis et en Europe.
« Oui, la situation en Ukraine a un effet additionnel négatif sur les marchés alimentaires. Mais pas en raison de ‘l’opération spéciale russe en Ukraine’, plutôt à cause de la réaction absolument inadéquate de l’Occident qui a annoncé des sanctions et a déstabilisé la disponibilité de la nourriture sur les marchés », a-t-il martelé.
Avec AFP