Depuis fin 2020, les pays de la Grande Corne de l’Afrique subissent leur pire sécheresse depuis quarante ans. Selon un rapport publié jeudi par le World Weather Attribution, c’est le changement climatique qui a fortement influencé la hausse des températures dans la région et conduit à un assèchement record des sols et des plantes.
La sécheresse historique qui frappe la Grande Corne de l’Afrique est la conjonction inédite d’un manque de pluie et de fortes températures qui n’aurait pas pu se produire sans les conséquences des émissions humaines de gaz à effet de serre, démontre une étude scientifique publiée jeudi 27 avril.
« Le changement climatique causé par les activités humaines a rendu la sécheresse agricole dans la Corne de l’Afrique environ 100 fois plus probable » qu’autrefois, indique dans un rapport le World Weather Attribution (WWA), réseau mondial de scientifiques qui évalue sans délai le lien entre les événements météorologiques extrêmes et le dérèglement climatique.
Depuis fin 2020, les pays de la Grande Corne de l’Afrique (Éthiopie, Érythrée, Somalie, Djibouti, Kenya et Soudan), large péninsule de l’est du continent, subissent leur pire sécheresse depuis quarante ans.
Cinq saisons des pluies déficitaires d’affilée ont tué des millions de têtes de bétail et détruit les récoltes. Selon l’ONU, 22 millions de personnes sont menacées par la faim en Éthiopie, au Kenya et en Somalie (où sévit en plus une insurrection islamiste).
Selon les 19 scientifiques ayant contribué au rapport, le changement climatique a eu « peu d’effet sur la pluviométrie annuelle » récente de la région. Mais il a fortement influencé la hausse des températures, responsable d’une augmentation en flèche de l’évapotranspiration qui a conduit à un assèchement record des sols et des plantes.
« C’est le changement climatique qui a rendu cette sécheresse aussi grave et exceptionnelle », a résumé Joyce Kimoutai, climatologue kenyane contributrice au rapport, dans un brief téléphonique mercredi.
Cinq saisons des pluies déficitaires
Le réseau du WWA, fondé par des climatologues réputés, s’est imposé ces dernières années par sa capacité à évaluer l’influence, plus ou moins forte et non systématique, entre les événements météorologiques extrêmes – canicules, inondations, sécheresse, etc – et le changement climatique causé par l’homme.
Ses résultats, produits en urgence, sont publiés sans passer par le long processus des revues à comité de lecture, mais combinent des méthodes approuvées par les pairs, en premier lieu avec des données météorologiques historiques et des modèles climatiques.
Cette fois-ci, le WWA a concentré son étude sur trois des pays les plus affectés (le sud de l’Éthiopie et de la Somalie et l’est du Kenya).
Il a constaté que le changement climatique modifiait de manière opposée les deux saisons des pluies : la plus abondante, entre mars et mai, « devient plus sèche et le déficit de précipitation est deux fois plus probable » que par le passé, tandis que « la petite saison devient plus humide ».
Mais ces dernières années, « cette tendance humide de la petite saison a été masquée par le phénomène climatique-cyclique de la Niña » qui réduit les pluies tropicales et dont il n’y a pas de preuves à ce jour qu’il soit influencé par le changement climatique anthropique.
Cette rare conjonction, dans une région qui enchaîne cinq saisons des pluies déficitaires depuis fin 2020, s’est ensuite combinée à l’augmentation des températures pour entraîner un assèchement record des sols et des plantes.
Si la planète ne s’était pas déjà réchauffée de 1,2 degré par rapport à l’ère pré-industrielle, cette pluviométrie aurait soumis la région à des conditions, au pire, « anormalement sèches », soit un niveau en-dessous du premier degré de gravité de la sécheresse dans la classification américaine, assure le WWA.
En clair, « le dérèglement climatique était une condition nécessaire pour qu’une sécheresse aussi grave puisse survenir », concluent les scientifiques.
La situation actuelle est qualifiée de « sécheresse exceptionnelle », 4e et dernier niveau d’alerte de l’échelle américaine. Improbable autrefois, elle a désormais 5 % de chance de se reproduire chaque année.
Avec AFP