Une attaque suicide a visé vendredi un camp de l’armée malienne à Gao, dans le Nord, au lendemain d’une double attaque meurtrière imputée aux jihadistes. Elle survient dans un contexte de pression grandissante de la part des groupes armés sur l’État dans cette région depuis quelques semaines.
Un camp de l’armée malienne a été visé par une attaque suicide à Gao vendredi 8 septembre, au lendemain d’une double attaque imputée aux jihadistes qui a tué au moins 64 civils et soldats dans le Nord, où la tension monte de jour en jour.
L’armée a parlé dans un bref message sur les réseaux sociaux d’une attaque « complexe » dans la zone aéroportuaire, ce qui signifie qu’elle a impliqué différents moyens. Elle n’a pas fourni de bilan.
Un employé de l’aéroport joint par l’AFP a fait état d’une attaque menée à l’aide de deux véhicules piégés, ainsi que de tirs. L’aéroport a été fermé, a-t-il dit.
Pression grandissante des groupes armés
Comme celle de la veille contre une position militaire de Bamba plus à l’ouest, l’attaque a été revendiquée par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), alliance affiliée à Al-Qaïda, a rapporté Site, ONG américaine spécialisée dans le suivi des groupes radicaux.
Elle survient dans un contexte de pression grandissante de la part des groupes armés sur l’État dans le Nord depuis quelques semaines, faisant redouter une éruption dans un pays déjà plongé dans le trouble depuis 2012.
Au moins 64 personnes – 49 civils et 15 soldats selon un bilan du gouvernement – ont été tuées jeudi dans le secteur de Bamba entre Gao et Tombouctou lors de deux attaques distinctes attribuées au GSIM contre un bateau de transport de passagers naviguant sur le fleuve Niger et une position militaire.
Deux élus de Gao ont indiqué à l’AFP que le bilan était en fait beaucoup plus lourd. Le gouvernement a assuré que la riposte militaire avait permis de « neutraliser une cinquantaine de terroristes ».
Accéder à une information fiable est compliqué par une multitude de facteurs : éloignement, carence des communications, mutisme des autorités. Comme souvent, très peu d’images ont circulé de l’attaque du bateau. Même dans un pays coutumier des violences, cette attaque paraît ne guère avoir de précédent.
Le navire « Tombouctou » a été visé par au moins trois roquettes, selon la compagnie malienne de navigation Comanav, qui assure avec quelques bateaux une importante liaison desservant les grandes villes sur le fleuve. Au milieu de l’insécurité ambiante, le fleuve est considéré comme un peu plus sûr que la route.
Des soldats se trouvaient à bord en guise d’escorte, a déclaré un responsable militaire sous couvert de l’anonymat.
Des enfants figurent sur une liste de blessés que l’AFP a consultée. Des appels à donner son sang ont été lancés pour venir à leur secours.
Un enseignant s’exprimant sous couvert de l’anonymat a indiqué que la fille d’une de ses tantes était à bord avec ses six enfants. « On n’a pas de nouvelles. La liste des blessés a été envoyée, leurs noms n’y figurent pas », a-t-il dit.
Les autorités ont décrété trois jours de deuil national à partir de vendredi.
« Heure décisive »
Le Nord est en proie à une lutte qui va s’intensifiant pour le territoire entre une multitude d’acteurs : groupes jihadistes contre armée malienne, groupes jihadistes entre eux, groupes armés touaregs contre jihadistes, et groupes touaregs face à armée malienne.
La région de Tombouctou est soumise depuis août à un blocus imposé par le GSIM. De vastes étendues sont passées sous le contrôle de l’organisation État islamique dans la région de Gao.
C’est du Nord, avec les insurrections indépendantiste et salafiste de 2012, qu’est partie la tourmente dans laquelle le Mali est toujours plongé et qui a gagné le Burkina Faso et le Niger voisins, faisant des milliers de morts. Les indépendantistes ont signé en 2015 un accord de paix avec l’État malien tandis que les jihadistes continuaient le combat. Mais les hostilités n’ont jamais paru si proches de reprendre entre Touareg et armée.
Alghabass Ag Intalla, chef de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), alliance à dominante touarègue signataire de l’accord de 2015, a appelé sur les réseaux sociaux les siens « à rejoindre les rangs de (leurs) frères » sur le terrain. Il a parlé d' »heure décisive ».
Une reconfiguration sécuritaire a lieu dans le Nord après le départ de la force antijihadiste française en 2022 et celui, en cours, de la mission de l’ONU (Minusma), toutes deux poussées vers la sortie par la junte qui a pris le pouvoir par la force en 2020. La CMA n’accepte pas que la Minusma remette les clés de ses camps aux autorités maliennes dans une zone dont elle revendique le contrôle.
La junte fait du rétablissement de la souveraineté l’un de ses mantras. Elle s’est tournée militairement et politiquement vers la Russie. Mais différents experts estiment que la situation s’est encore dégradée sous sa direction.
Avec AFP