Critiquée pour son silence dans la crise des Royingha, la dirigeante birmane Aung San Suu Kyi a finalement pris la parole, mardi. Elle a nié les accusations d’épuration ethniques et appelé à un règlement pacifique du conflit.
Alors que la communauté internationale est réunie à New York, mardi 19 septembre, pour l’Assemblée générale des Nations Unies, c’est depuis Naypyidaw, la capitale birmane, que la chef de gouvernement Aung San Suu Kyi a évoqué pour la première fois la question des réfugiés rohingyas. Cette minorité musulmane, privée de la nationalité birmane en 1982, est la cible de nombreuses violences et discriminations depuis qu’une attaque de rebelles rohyngyas a entraîné fin août une contre-offensive militaire, à tel point que l’ONU dénonce désormais une « épuration ethnique » et exige un accès « illimité » au pays.
Lors de son discours, en anglais, Aung San Suu Kyi a donc répondu aux inquiétudes de la communauté internationale et reconnu le besoin d’organiser le retour des plus de 410 000 Rohingya réfugiés au Bangladesh, tout en semblant minimiser la crise. « Nous sommes conscients que de nombreux musulmans fuient vers le Bangladesh. […] Je pense qu’il est très peu connu que la majorité des musulmans n’ont pas fui », a-t-elle ainsi relativisé, avant de lancer : « Venez voir vous-mêmes ! »
« Visite guidée du gouvernement »
« Les propos de la prix Nobel de la paix vont certainement en étonner beaucoup, relève le correspondant de France 24 sur place, Clovis Casali. Aung San Suu Kyi a déclaré que la communauté internationale et tous ceux qui souhaitent le bien de la Birmanie pouvaient se rendre sur place mais jusqu’à présent, seule une poignée de journalistes triés sur le volet ont pu aller dans le Nord et [ceux qui ont pu y aller] m’ont dit qu’il s’agissait d’une visite guidée où ils n’avaient pas accès aux gens à qui ils souhaitaient parler et où c’était le gouvernement qui leur présentait des Birmans. »
Ce discours d’Aung San Suu Kyi ne permettra assurément pas à la Birmanie de faire l’économie d’un débat sur la question aux Nations unies. Les enquêteurs de l’ONU ont réitéré, mardi, leur appel pour un accès « complet et sans entrave » au pays, soulignant qu’une grave crise humanitaire était en cours.
Deux ONG ont par ailleurs critiqué la déclaration d’Aung San Suu Kyi. Amnesty international a estimé que la présidente birmane pratiquait « la politique de l’autruche » vis-à-vis des « preuves écrasantes que les forces de sécurité sont engagées dans une campagne de nettoyage ethnique ». « Il y a toujours des fumées d’incendies qui s’élèvent au-dessus de l’État d’Arakan (Rakhine) (…). Ce n’est pas comme si tout s’était arrêté le 5 septembre », a renchéri Phil Robertson, de Human Rights Watch, images satellites à l’appui.
Expliquant souhaiter une « solution durable » à ce conflit, Aung San Suu Kyi s’est dite prête à entamer un processus de vérification de l’identité des personnes qui ont trouvé refuge au Bangladesh pour permettre à celles qui le souhaitent de rentrer en Birmanie. Il s’agit néanmoins du premier signe de véritable reconnaissance de la crise, chez Aung San Suu Kyi, qui s’était jusqu’ici bornée à dénoncer « un iceberg de désinformation », le 6 septembre.
France 24