En juin dernier s’est tenu à Paris le procès de Teodorin Obiang, dans le cadre de l’affaire dite des « biens mal acquis ». Le jugement doit être rendu ce vendredi 27 octobre. Dans ce premier procès du genre, jugé en France, le ministère public a requis trois ans de prison, 30 millions d’euros d’amende et la confiscation des biens saisis à Paris du vice-président équato-guinéen, fils du président. Retour sur une affaire hors norme.
Ce jugement, tant attendu du côté des parties civiles, est l’aboutissement d’une longue guérilla judiciaire : dix ans de procédure, de recours et de saisies spectaculaires en plein Paris. Les voitures de luxe de Teodorin Nguema-Obiang Mangue, ses bijoux et autres meubles rares ont été consignés et revendus par les autorités.
Pour les avocats Daniel Lebègue et William Bourdon, à l’origine des poursuites, ce fut déjà une victoire. A la tête de l’ONG Sherpa et Transparency, ils ont imposé ce concept juridique des « biens mal acquis ». Des biens mal acquis notamment à Paris pour un total de 150 millions d’euros. Et qui sont, comme le parquet l’a admis, le fruit du blanchiment du détournement d’argent public en Guinée équatoriale.
« Un procès politique »
La défense du prévenu enrage. « Depuis le début, c’est la chronique judiciaire d’une condamnation annoncée », juge Emmanuel Marsigny, l’avocat de Teodorin Obiang. Cette compétence universelle de la France est une ineptie, dit la défense du clan Obiang. Comment appliquer le droit français pour des faits commis à l’étranger par des étrangers ? C’est au nom de la morale, ajoutent-ils, que l’on tente de tordre le bras de la justice. La Guinée équatoriale y voit une ingérence dans les affaires extérieures.
Me Marsigny considère par ailleurs que ni le ministère public ni les parties civiles n’ont apporté la preuve que des infractions avaient été commises en Guinée équatoriale. « Ils tiennent un raisonnement pour pouvoir assurer la condamnation qui consiste à dire : j’applique uniquement le droit français et au regard du droit français, je caractérise les infractions. Cela revient à créer une compétence de juridiction universelle contraire à toutes les conventions internationales. On est loin du droit, nous sommes dans un procès politique », affirme-t-il.
Une justice « des grands criminels d’argent »
Inquiets, ils savent qu’une brèche a été ouverte et que ce jugement rendu ce vendredi à Paris n’est que le premier d’une longue odyssée judiciaire contre les crimes d’argent, estime l’avocat des parties civiles, William Bourdon. « Cela ouvre la voie à un livre avec beaucoup de chapitres encore à écrire. C’est un nouvel outil dont se rendent maintenant propriétaires les nouveaux acteurs d’une société civile de plus en plus professionnelle en Asie, en Afrique, en Amérique latine, qui n’acceptent plus que ceux à qui ils confient les clés du pouvoir s’en servent pour enrichir et appauvrir », estime-t-il.
Il y voit une nouvelle ère pour la justice internationale. « Comme le XXe siècle a été celui de l’universalisation de la justice pénale s’agissant des grands crimes de sang : la Cour pénale internationale, les deux tribunaux ad hoc, l’ex-Yougoslavie, le Rwanda. Cette aventure judiciaire (…) va se poursuivre, mais il y en a une autre qui s’élabore en parallèle, qui est celle relative aux grands criminels d’argent », espère-t-il.
Rfi